L'Olympe des ténors

 

Une sélection de 26 chanteurs, par ordre alphabétique, qui ont marqué l'histoire du chant dans leur tessiture et leur répertoire

 

 



Roberto Alagna

Ténor français (né le 7 juin 1963)

Né en région parisienne, d'origine sicilienne, il chante des airs de variétés dans des cabarets avant de rencontrer un propriétaire de restaurant qui l'oriente vers l'opéra et lui permet de prendre des cours de chant. Il remporte le concours Pavarotti en 1988 et entame une carrière de ténor lyrique qui rencontre immédiatement un grand succès qui ira croissant au fil des ans. Il se produit d'abord à Toulouse, Avignon et très vite à la Scala de Milan puis à Orange, l'Opéra Comique et ensuite sur toutes les grandes scènes internationales. En 2001 il tourne dans le film opéra Tosca de Benoît Jacquot aux côtés de la star Angela Gheorgiu, sa deuxième épouse. Il poursuit des apparitions spectaculaires, en plus des apparitions à l'opéra, en chantant la Marseillaise le 14 juillet 2002 devant la tribune présidentielle, en créant des spectacles à succès comme Mariano, Sicilien, Mediterraneo ... Dans le même temps il va enchaîner de nombreuses prises de rôles, du répertoire italien et français, généralement avec un succès constant auprès du public. Toujours à la recherche de nouveaux projets, il avait envisagé d'aborder Lohengrin de Wagner à Bayreuth, avant d'y renoncer et débuter finalement dans le rôle à Berlin fin 2020.

L'immense succès qu'il connaît est sans doute dû à plusieurs facteurs. Tout d'abord sa voix est solaire, rayonnante et généreuse, d'une séduction immédiate et irrésistible. D'autre part, le chanteur est également un acteur engagé et enthousiaste, contribuant également à susciter un fort enthousiasme lors de ses apparitions. Ses qualités d'acteur ont été saluées notamment par un prix Laurence Olivier en 1995 (Roméo et Juliette de Gounod à Londres). Disposant d'un charisme certain, il dégage une sympathie communicative, par son engagement et son enthousiasme constant dans tous ses projets et envers tous les publics, ceux de l'opéra comme celui des spectacles plus grands publics. Enfin et peut-être avant, il incarne un renouveau du chant lyrique français qui a par ailleurs peu connu de très grands ténors au 20e siècle. Outre diverses très belles incarnations dans le répertoire italien, du bel canto au vérisme, il aura surtout su donner une modernité inattendue à des ouvrages oubliés ou "ringardisés" du répertoire français. Ses interprétations mémorables de Werther, Faust, Roméo de Gounod et Nadir des Pêcheurs de perles de Bizet, ou d'ouvrages oubliés de Fauré, Lalo ou Chausson, renouvellent totalement l'approche de ce répertoire. Il ajoute à la beauté du timbre et l'engagement dramatique une qualité exceptionnelle de la prononciation absolument déterminante pour redonner de la densité à ces opéras.

Sa discographie est importante et permet d'apprécier l'ensemble de son vaste répertoire lyrique et de chansons. Ses enregistrements de Roméo et Juliette de Gounod, Werther ou Don Carlos de Verdi demeurent incontournables pour le ténor comme pour ces œuvres.

 

site internet www.robertoalagna.net

 

Francisco Araiza

Ténor mexicain (né le 4 octobre 1950)

Après avoir étudié le chant au conservatoire de Mexico, il débute en octobre 1970 dans le rôle du premier prisonnier dans Fidelio. En 1974, il part pour approfondir ses études à Munich et entre dans la troupe de l'opéra de Karlsruhe, puis en 1977 dans celle de l'opéra de Zurich. C'est là qu'il approfondit le répertoire mozartien dans lequel il va particulièrement s'illustrer, avec celui de Rossini dans les années 1980. Il se produit alors sur toutes les grandes scènes internationales dans ses grands rôles (Mozart et Rossini), laissant notamment des témoignages d'anthologie, publiés depuis en vidéo, dans La flûte enchantée à Munich (dirigé par W.Sawallisch) en 1983 ou dans Don Giovanni à la Scala de Milan en 1987 (dirigé par R.Muti). Il participe également aux renouveaux du chant rossinien au début des années 1980. Puis il se tourne dès le mileu des années 80 vers des rôles plus héroïques, avec certains ouvrages français (Faust, Manon, Werther ...) ou de Verdi (Rigoletto, Un bal masqué), et aborde Wagner dans les années 1990 et 2000 (Lohengrin, Walther von Stolzing, Loge). Depuis la fin des années 2000 et encore en 2015, il continue de se produire en concert, notamment pour des soirées de Lieder. 

La beauté de son timbre, la maîtrise de la ligne de chant en ont fait un ténor lyrique exceptionnel, qui reste dans l'histoire du chant comme un immense mozartien et l'un des premiers à avoir redonné aux ténors rossiniens une profondeur de la voix alliée à une grande agilité.

Araiza marque aussi une certaine renaissance de l'art lyrique au Mexique, après une période de repli sans doute lié à une situation économique très difficile. Il incarne le renouveau d'une lignée de ténors exceptionnels  tels Ramon Vargas ou Rolando Villazón.

Il a laissé des enregistrements de ses ouvrages de prédilection de Mozart et Rossini dans lesquels il faut l'entendre. Des extraits live de son Lohengrin très réussi à Venise ont été publiés, attestant d'une gestion réussie de l'évolution de sa voix.

 

site internet  www.franciscoaraiza.com

 

Carlo Bergonzi

Ténor italien (13 juillet 1924 - 25 juillet 2014)

Après des études au conservatoire de Parme, il débute comme baryton en 1948 dans le rôle de Figaro du Barbier de Séville de Rossini. Après trois années de carrière et de nouvelles études de chant il fait ses débuts comme ténor dans Andrea Chénier de Giordano à Bari en 1951. Il enchaîne les prises de rôle verdien et du répertoire italien pour la radio italienne puis à Londres et Chicago. Il fait ses débuts au Met de New York au cours de la saison 1956/57 et se produit ensuite sur toutes les grandes scènes internationales dans les grands rôles du répertoire italien. Il devient pendant plus de 20 ans le grand ténor spécialiste de Verdi. Il termine sa riche carrière, ayant chanté une soixantaine de rôles, avec une tournée en 1996, au cours de laquelle la rondeur du timbre et la qualité exceptionnelle du souffle étaient encore quasiment intacts.

Le ténor est resté comme un modèle absolu du chant verdien, dans la lignée de Fernando de Lucia puis de Giacomo Lauri-Volpi et comme aucun autre depuis. Cette renommée n'est pas due à l'importance des opéras de Verdi dans son répertoire, mais  par la technique vocale exceptionnelle, un phrasé, des attaques et un style qui correspondent exactement à l'écriture verdienne. Bergonzi a su développer une maîtrise du souffle exceptionnelle reposant sur la technique des fiati rubati, technique permettant d'assurer une réserve de souffle sans couper la ligne musicale et sans que l'auditeur sans rende compte. Cette technique lui a permis de phraser et nuancer les lignes mélodiques sans aucune altération du timbre de bout en bout. Il reste pour cela un phénomène rare dans l'histoire du chant, un des seuls chanteurs à avoir maîtrisé cette technique de la sorte. Alliée à un timbre d'un moelleux incroyable, à une façon typique d'attaquer les phrases et à l'intelligence des mots, c'est cette maîtrise qui a fait du ténor le dernier modèle absolu du chant verdien. Et c'est pour cela qu'il a autant interprété ce compositeur tout au long de sa carrière. Sa conduite de la ligne vocale dans Verdi atteint, dans ses diverses incarnations, une perfection technique et musicale absolument inouïe, telle qu'on ne peut l'entendre que dans Mozart ou en héritage du bel canto.

Il a enregistré plusieurs intégrales d'opéras de Verdi et Puccini où ses incarnations sont toujours des références. Il a également réalisé une intégrale des airs pour ténor des opéras de Verdi en 1974, enregistrement qui constitue également une référence.

Outre ces intégrales en studio, il faut écouter son air dans Macbeth en live au Met en 1959 où son interprétation est un moment absolument magique de perfection et de splendeur. Les enregistrements live d'Un bal masqué en 1962 au Met ou de l'Elixir d'amour au Mai musical florentin en 1967 offrent également des témoignages essentiels d'un ténor dont les qualités semblent perdues pour l'heure.

 

Rockwell Blake

Ténor américain (né le 10 janvier 1951)

Après des études de chant à New York pendant lesquelles il rêve de devenir Franco Corelli comme il le dit lui-même dans des interviews,  il débute en 1976 à Washington dans Lindoro de L'Italienne à Alger de Rossini. Il reprend ce rôle au Met à New York en 1981aux côtés de Marylin Horne. Il va devenir le ténor rossinien incontournable, participant régulièrement au festival Rossini à Pesaro et incarnant partout ses grands rôles du bel canto. Il met fin à  sa carrière en 2005 dans La donna del lago et Le voyage à Reims de Rossini.

Il chante divers autres rôles, notamment du répertoire français ou mozartien,  mais il reste avant tout l'incarnation du ténor rossinien et du renouveau de ce répertoire dans les années 1980/1990, incarnant 17 rôles d'opéras de Rossini tout au long de sa carrière. Si sa voix ne possède pas un timbre naturellement splendide, il va pourtant être le modèle absolu dans ce répertoire grâce à une tessiture et une technique époustouflantes.

Pour se rendre compte de cette voix incroyable, on peut d'abord l'écouter dans l'enregistrement de La donna del lago, pris sur le vif à la Scala de Milan en 1992, avec June Anderson et sous la direction de Ricardo Muti. Dans le grand air du 2e acte et dans le duo qui suit avec Elena, on est sidéré par la facilité vocale sur l'ensemble de la tessiture jusqu'aux aigus, mais aussi par la maîtrise parfaite des vocalises et un souffle impressionnant. Mais plus encore il conjugue toutes ses qualités au service d'une véritable incarnation, avec une présence, un engagement et ses vocalises ne paraissent alors plus une simple pyrotechnie démonstrative mais bien partie de la caractérisation musicale du personnage. Enfin il nuance ses aigus, en messa di voce tout en l'enchaînant avec des vocalises. En écoutant cela réalisé sur scène et non pas en studio, on mesure le phénomène vocal qu'il était et pourquoi on peut vraiment le considérer comme l'idéal du chant rossinien, le modèle.

Il a effectué plusieurs récitals, des intégrales d'opéras et quelques live existent, malheureusement une bonne partie  de ces enregistrements n'est pas rééditée actuellement.

 

Jussi Björling

Ténor suédois (5 février 1911 - 9 septembre 1960)

Fils d'un chanteur et professeur de chant, il débute sa carrière dès 1919, enfant, comme chanteur, en quatuor avec ses frères et son père. Il reste d'ailleurs un témoignage de leur tournée aux USA en 1921. Puis il étudie au conservatoire de Stockholm, effectue ses premiers enregistrements comme ténor dès 1929, avant de débuter sur scène dans Don Giovanni en 1930 à l'opéra royal de Stockholm. au début des années 1930 il va aborder ses grands rôles en Suède et enregistrer les grands airs en suédois. A partir de 1936 sa carrière commence à se tourner vers l'international pour prendre un tournant important avec ses débuts à New York en 1938 dans La Bohème. Il y fera une part importante de sa carrière à partir de 1945 dans le répertoire italien (Don Carlo, Manon Lescaut, Un bal masqué ...) ainsi que dans le répertoire français (Faust, Roméo et Juliette de Gounod). La fin de sa carrière est perturbée par une maladie de cœur et il décède en pleine apogée à 49 ans, sans avoir pu aborder Otello en projet ou Lohengrin dont il existe en live un récit du Graal (au 3e acte), magique, chanté en suédois.

Sa voix est considérée comme l'une des plus belles de ténor du 20e siècle. Elle était solaire, chaude, cuivrée et rayonnante dans l'aigu. Il reste de nombreux enregistrements d'airs d'opéra, des années 30 à la fin de sa carrière, plusieurs intégrales effectuées dans les années 1950 (Tosca, Il Trovatore, La Bohème, Aida, Turandot ...). Pour apprécier le charisme de sa voix splendide, il faut aussi écouter ses live de Faust au Met (en 1950 ou 1959), son incarnation de Riccardo dans Un bal masqué (1940) ou encore son Manrico percutant et transcendant en live à Londres en 1939. Dans ses différents témoignages de Manrico on peut tout particulièrement apprécier la beauté de la voix, une ligne de chant somptueuse, une douceur angélique exceptionnelle que peu de ténors ont pu faire valoir dans des rôles lourds comme celui-ci, Don Carlo ou Radamès. On ne peut de ce fait que regretter qu'il n'ait pu interpréter intégralement le rôle de Lohengrin.

 

site internet www.jussibjorlingsociety.org

 

Franco Corelli

Ténor italien (8 avril 1921 - 29 octobre 2003)

Même s'il chante pour la plaisir, Corelli consacre sa plutôt sa jeunesse au sport, en particulier la boxe, ou des études qui le mènent à un poste de géomètre pour sa ville natale d'Ancône. Mais un ami le pousse à suivre avec d'autres des cours de chant à Pesaro. Outre ces cours qu'il suit plus ou moins, il se prépare seul en étudiant les chanteurs passés puis est reçu à un cycle de perfectionnement organisé par le théâtre communal de Florence. Il parvient ensuite à entrer au centre lyrique de Spolète et très vite effectue ses débuts dans le rôle de Don José dans Carmen au festival de Spolète en août 1951. D'emblée sa carrière est lancée et il se produit dans de grands rôles à Rome, Florence, Naples ou encore à la radio italienne. En 1954 il débute à la Scala dans La Vestale aux côtés de Maria Callas dans une mise en scène de Visconti, confortant sa notoriété croissante. Il va se produire régulièrement à la Scala et y assurer plusieurs soirées d'ouverture historiques au début des années 60. Sa carrière prend un essor encore plus important lorsqu'il débute avec Leontyne Price dans Le Trouvère au Met en 1961, à l'occasion de la commémoration des 60 ans de la disparition du compositeur. Ils reprennent ensemble un an plus tard au festival de Salzbourg sous la direction de Karajan pour une série de représentations devenue mythique. Il devient l'un des chanteurs préférés au Met et s'y produit régulièrement jusqu'en 1974, dans ses grands rôles de Verdi ou Puccini notamment. A partir du milieu des années 60 c'est d'ailleurs essentiellement aux Etats-Unis qu'il se produit, même s'il apparaît encore de temps à autre en Europe. Il met un terme à sa carrière encore au sommet de ses capacités vocales après deux représentations de Turandot à Vérone en août 1975. Il apparaît à nouveau en août 1976 dans La Bohème à Torre del lago et pour participer à trois concerts en 1980 et 1981.

Si Corelli n'est pas resté aussi célèbre que Caruso ou Pavarotti après avoir s'être retiré de la scène, il a pourtant été une star pendant les années 50 et 60, du fait d'une voix exceptionnelle et d'un physique de jeune premier, alors rare à l'opéra. On dit qu'il avait comme surnom "cuisse d'or" au Met. Pour autant, il était angoissé et sans doute miné à l'excès par le trac, ce qui contribue manifestement à le faire arrêter assez tôt sa carrière et malheureusement renoncer à Otello de Verdi. Cela paraît assez incompréhensible devant ses infinies facilités vocales et son immense succès sur scène.

Corelli disposait en effet d'une voix phénoménale et d'un souffle infini. Il était capable de mener des phrases vocales comme s'il n'avait jamais besoin de reprendre son souffle et d'appliquer des diminuendos sur le souffle y compris dans les aigus. En l'écoutant on a le sentiment que rien ne lui était impossible, avec un timbre extrêmement viril, un souffle inépuisable, une puissance vocale étonnante. Il y avait en outre, dans son chant, quelque chose de sombre,  désespéré, tragique, renforçant encore l'impact électrisant de ses incarnations sur le public, en particulier dans ses plus grands rôles tels Don Carlo, Manrico, Andrea Chénier, Mario Cavaradossi ...

Pour apprécier tout l'art et l'impact quasi animal sur l'auditeur de ce "prince" des ténors, il faut l'écouter dans l'air "E lucevan le stelle" enregistré live à Parme en 1967. A l'issue de la représentation, son succès fut tel qu'il chanta sur scène de façon absolument sidérante et poignante, accompagné au piano, la mélodie "Core'ngrato". Il faut aussi l'écouter dans l'air "Nessun dorma" de Turandot au 3e acte en live à la Scala de Milan en 1962, un moment absolument exceptionnel.

 

site internet www.franco-corelli.com 

 

Anton Dermota

Ténor autrichien d'origine slovène (4 juin 1910 - 22 juin 1989)

Né en Slovénie dans une famille relativement pauvre, il étudie d'abord l'orgue et la composition au conservatoire de Ljubljana. Il étudie le chant à Vienne et débute en 1934 d'abord à Cluj en Roumanie. Le chef Bruno Walter l'entend et lui permet de chanter en 1936 à l'opéra de Vienne dans un petit rôle de La flute enchantée. Il entre dans la troupe de l'opéra et y enchaîne divers rôles, dont son premier grand rôle, Alfredo dans La Traviata, dès 1937, également l'année de ses débuts au Festival de Salzbourg. Il aborde alors tous les grands rôles mozartiens qui feront sa réputation. Son répertoire est cependant beaucoup plus large : Lenski dans Eugène Onéguine, Des Grieux dans Manon, Rodolfo dans La Bohème, David dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, etc ... Dans les années 50 il aborde quelques rôles plus lourds, comme Max dans Le Freischütz de Weber ou encore un fameux Florestan dans Fidelio en 1955 pour la soirée d'ouverture du nouvel opéra de Vienne, sous la direction de Karl Böhm. Son répertoire comportait en tout près de 80 rôles. Et si l'essentiel de sa carrière se déroule à Vienne, il se produit à Paris, Rome, Naples, Londres, Buenos Aires, notamment lors de tournées de la troupe de l'opéra de Vienne. Il est également un grand interprète de Lieder dont il laisse quelques enregistrements, accompagné au piano par sa femme Hilde Berger-Dermota. Il est assez tôt, en 1947, fait Kammersänger à Vienne. Il devient à compter de 1966, professeur de chant à la Wiener Musikhochschule mais chantera quasiment jusqu'à la fin de sa vie, enregistrant encore en 1971 le petit rôle du berger avec Carlos Kleiber dans Tristan et Isolde.

Il a laissé quelques enregistrements studios d'airs d'opéra reprenant ses grands rôles, quelques intégrales et des disques de Lieder. Il reste, malgré un répertoire effectivement large, avant tout le grand ténor mozartien du 20e siècle. Sa voix de ténor lyrique, d'une grande endurance, bénéficie d'un timbre splendide, rond, moelleux, une voix de velours et lumineuse. Sa technique vocale lui permettait également de tenir les phrases avec un legato exceptionnel, des nuances raffinées mais jamais maniérées. Il arrive à allier la vigueur, la rondeur, l'émotion et l'élégance dans ses interprétations, grâce au travail sur les mots, le sens des phrasés et la splendeur de son timbre. Il trouve ainsi un équilibre rare et constitue un véritable modèle absolu du chant mozartien.

Pour prendre toute la mesure de sa capacité à emmener l'auditeur vers le sublime, il faut l'écouter dans Don Giovanni avec Furtwängler, en live à Salzbourg en 1950 d'abord, puis en 1953 et 1954. Il y a un legato, une justesse, une émotion sincère et une noblesse qui font vraiment penser qu'il est effectivement ce modèle absolu du chant mozartien.

 

Giuseppe Di Stefano

Ténor italien (24 juillet 1921 - 3 mars 2008)

Né en Sicile, il entame des études de chant qui sont interrompues par la guerre. Prisonnier de guerre, il se produit à la radio de Lausanne avant d'entamer réellement sa carrière en 1946, au théâtre de Reggio Emilia dans Manon Lescaut de Puccini. Sa réputation croissante l'amène à se produire rapidement au Liceu de Barcelone, à l'Opéra de Rome puis à la Scala de Milan. C'est avec ses apparitions au Metropolitan Opera de New York entre 1948 et 1950 qu'il démarre une véritable carrière internationale triomphale, confortée par les représentations auxquelles il participe aux côtés de Maria Callas à Mexico. Ils vont alors former un couple lyrique mythique durant les années 1950 et début 60. Après avoir abordé au début de sa carrière les grands rôles de ténor lyrique avec un exceptionnel succès, il se tourne au milieu des années 50 vers les rôles plus lourds verdiens et véristes, non sans conséquence sur sa voix. Il deviendra pour cela l'exemple sans cesse répété par la critique de la pire façon de conduire une carrière de ténor, critique un peu caricaturale et excessive. Il poursuit cette carrière jusqu'au début des années 1970 puis se retire en effectuant quelques apparitions ponctuelles, la dernière fois en 1992 dans le rôle de Timur dans Turandot aux termes de Caracalla. Victime d'une attaque à main armée en 2004, il est hospitalisé à Milan mais finit par tomber dans le coma en 2007 et décède quatre mois plus tard.

La voix de Di Stefano était l'une des plus belles du siècle de ténor lyrique, ensoleillée et irrésistible. Il avait recours à des nuances piano qu'il savait placer au bon endroit, selon ses capacités vocales, pour déclencher l'enthousiasme de l'auditeur, tel un charmeur ou un magicien. Il faisait également preuve d'un engagement important sur scène, ne ménageant sans doute pas beaucoup sa voix.  

Il enregistré de nombreux rôles aux côtés de Maria Callas dans les années 1950 mais c'est d'abord en live qu'on trouvera ses meilleures incarnations et le témoignage de ce qu'il a été au sommet de son art à la fin des années 40 et tout début des années 50.

Pour se rendre pleinement compte de la splendeur de sa voix et de son engagement en scène, on recherchera d'abord son Faust à New York en 1949, son Cavaradossi dans Tosca à Mexico en 1952 aux côtés de Maria Callas (avec un miraculeux E lucevan le stelle), La Traviata à Milan en 1955 (légendaire représentation avec Callas et Bastianini) ou encore L'elixir d'amour en live en 1960 à Bergame (avec R.Scotto et dirigé par Gavazzeni).

Ce sont quelques uns des rôles qu'il a marqué et qui font comprendre qu'au-delà de la récurrente et contestable critique sur son déclin vocal prématuré, il a été l'un des chanteurs les plus envoutants sur scène au 20e siècle.

 

Placido Domingo

Ténor espagnol (né le 21 janvier 1941 ?)

Il débute comme baryton dès 1957 dans des zarzuelas à Mexico, puis devient, cinq ans plus tard, ténor et interprète le rôle d'Alfredo dans la Traviata. Il rejoint la troupe de l'opéra d'Israel à laquelle il appartient pendant trois années, participant à près de 300 représentations (1962 à 65). Mais sa carrière prend véritablement son plein essor lorsqu'en 1968 il remplace Franco Corelli, malade, dans Adriana Lecouvreur au Metropolitan Opera de New York. C'est déjà la consécration et le début d'une incroyable carrière internationale. Il va alors se produire sur toutes les cènes internationales et grands festivals du monde entier (Vérone, Salzbourg, Bayreuth ...). Il aborde tous les grands rôles du répertoire italien et français, mais également ceux de Wagner dès la fin des années 1970. (Lohengrin, Walther von Stolzing, Siegmund ou encore Parsifal). Il va ainsi compter près de 150 rôles à son répertoire immense, dont 48 interprétés au Met à New York dont il sera un pilier pendant plusieurs décennies. Excellent acteur, il participe également à plusieurs opéras filmés comme Le trouvère par la télévision autrichienne ou au cinéma (Carmen filmé par Francesco Rosi, La Traviata filmé par Franco Zeffirelli, Tosca, Madama Butterfly). Il participe en 1992 à la retransmission exceptionnelle en direct de Tosca sur les lieux et aux heures du livret à Rome puis en 2010 à celle réalisée de la même façon de Rigoletto à Mantoue, cette fois dans le rôle-titre. Son immense popularité sera également accrue par ses participations aux concerts des trois ténors aux côtés de Pavarotti et Carreras dans les années 1990. Il prolonge une carrière déjà unique avec diverses prises de rôle comme baryon (Rigoletto, Germont père dans La Traviata, Simon Boccanegra ...). Enfin, il a mené une carrière comme chef d'orchestre, en particulier à Los Angeles.

Avec une voix chaude et relativement puissante, Domingo est entré dans la légende de son vivant d'abord grâce à une résistance hors norme, un charisme et un engagement très forts auxquels le public ne résiste pas. Il apparaît dans un nombre extraordinaire de représentations, avec un répertoire d'une diversité unique, comprenant les rôles les plus lourds du répertoire comme Otello de Verdi, dont il est l'interprète incontournable de la seconde moitié du 20e siècle. Il est en outre un chanteur d'une rare régularité dans la qualité de ses apparitions pourtant très nombreuses.

Le chanteur s'est énormément produit sur scène et en concert mais a également beaucoup enregistré, ses grands rôles à plusieurs reprises et aussi des partitions plus originales tel I Medici de Leoncavallo.  Au sein de cette très large discographie d'opéras et récitals réalisés tout au long de sa carrière de ténor, baryton et même chef d'orchestre, les enregistrements d'Otello de Verdi (avec R.Scotto et dirigé par J.Levine), de Tosca de Puccini (avec L.Price ou avec R.Scotto de préférence) et de Manon Lescaut de Puccini (avec M.Freni et dirigé par G.Sinopoli) sont particulièrement représentatifs des qualités strictement vocales et dramatiques du ténor dans trois de ses plus grands rôles.

 

site internet www.placidodomingo.com

 

 

Nicolai Gedda

Ténor suédois (11 juillet 1925 - 8 janvier 2017 )

Il est le fils d'un chanteur russe, appartenant au Chœur des Cosaques du Kouban (chœur fondé il y a 200 ans et toujours en activité), et d'une mère russe ayant émigré en Suède lors de la révolution bolchévique de 1917. Il passe quatre ans à Leipzig où son père est chef de chœur, mais ses parents doivent revenir à Stockholm lors de l'avènement des nazis au pouvoir. Il devient employé de banque et étudie finalement à partir de 1949 suite à une rencontre avec un ténor ayant fait carrière à Berlin, Carl Martin Öhmann et qui deviendra son professeur. Il débute à Stockholm en 1952 dans Le postillon de Longjumeau de Adam et y rencontre un certain succès. Le producteur Walter Legge vient l'écouter et l'engage pour un enregistrement de Boris Godounov de Moussorgsky avec Boris Christoff. Karajan le remarque alors et le fait notamment chanter à Milan dans Ottavio (Don Giovanni de Mozart). Il commence ainsi une carrière internationale exceptionnelle. Il se produit en effet aussi bien au Met, à Salzbourg, au festival d'Aix en Provence, à l'opéra de Vienne, à la Scala de Milan, au Bolchoï à Moscou ... Il renonce néanmoins à chanter à Bayreuth et au répertoire wagnérien, malgré un réel succès dans Lohengrin en 1966 à Stockholm. Son répertoire est également très large, d'autant qu'il est particulièrement à l'aise dans de nombreuses langues. Son répertoire va ainsi comporter plus de 60 rôles, comprenant les grands rôles du répertoire italien, les grands rôles mozartiens, ou ceux du répertoire russe. Il se distingue également tout particulièrement par son incarnation de nombreux rôles du répertoire français avec un style et une prononciation exemplaires et sans concurrence pendant plusieurs décennies. Enfin il chante et enregistre beaucoup d'opérettes allemandes avec un style et une élégance uniques. Il se produit jusqu'en 1997, conservant jusqu'à cette date une maîtrise vocale et une qualité de timbre incroyables. ll décède en janvier 2017, à l'âge de 91 ans.

Sa voix est exceptionnellement claire, colorée et superbement timbrée. Il disposait d'aigus particulièrement faciles, d'une grande technique vocale lui assurant la capacité à chanter piano ou en decrescendo jusqu'en dans les aigus, encore à la toute fin de sa carrière (à 70 ans passés).

Il faut donc l'écouter dans toute la diversité de son répertoire pour mesurer quel immense artiste il a été. Il faut bien sûr écouter son enregistrement de Tamino (La flûte enchantée dirigée par Klemperer) mais aussi ses enregistrements du rôle de Lenski (Eugène Onéguine dirigé par Emil Tchakarov) ou dans le répertoire français (magnifique Nadir dans Les pêcheurs de perles de Bizet ou dans Faust de Gounod dirigé par André Cluytens). Pour commencer ou pour compléter ces témoignages dans ses grands rôles lyriques, son interprétation du célèbre air "Dein ist mein ganzes Herz" dans Le pays du sourire de Franz Lehar, est un incontournable. Avec une approche différente de Richard Tauber il réussit tout autant à faire de cet air un moment de chant sublime, sachant comme peu échapper à toute faute de goût.

 

site internet www.nicolai-gedda.de

 

Beniamino Gigli

Ténor italien (20 mars 1890 - 30 novembre 1957)

Chanteur mythique qui rencontra un succès exceptionnel de son vivant, à l'instar de Caruso. Il est issu d'une famille très pauvre et en passant son enfance à l'église qu'il apprend l'orgue et le chant. Il obtient une bourse lui permettant d'étudier réellement le chant à Rome, notamment auprès du baryton Cotogni. Après avoir remporté un concours de chant, il débute en 1914 dans La Gioconda de Ponchielli (son enregistrement de l'air Cielo e mar en 1929 est un morceau d'anthologie). En 1918, il débute à la Scala de Milan, enregistre les premiers des très nombreux disques qu'il effectuera tout au long de sa carrière. Il devient l'un des principaux ténors au Met de New York, aux côtés de Lauri-Volpi et Martinelli dans les années 20. Puis, refusant une baisse de ses cachets au Met, dans le contexte de la crise de 1929, il repart pour l'Europe. Il y mènera une carrière exceptionnelle jusqu'en 1954 enchaînant et enregistrant les grands rôles du répertoire italien.

Sa voix a rencontré un grand succès auprès du public, par la beauté exceptionnelle de son timbre, son moelleux et sa douceur unique.

Pour s'en rendre exactement compte, on peut en particulier écouter ses enregistrements de 1936 ou 1941 de l'air E la solita storia (extrait de L'arlesianna de Cilea). Le passage d'un registre à l'autre ne connaît aucune rupture et passe à la "voix de tête" ou voix mixte comme aucun autre chanteur au 20e siècle. De la même façon son interprétation de l'air Je crois entendre encore (en italien) des Pêcheurs de perles de Bizet, en 1929, est absolument fabuleux et témoigne là encore de son art qui a comme quelque chose de céleste.

 

 

Siegfried Jerusalem

Ténor allemand (né le 17 avril 1940)

Né dans une famille de musiciens amateurs, il apprend le piano, le violon. Il devient ensuite bassoniste professionnel dans des orchestres allemands. Il entame en parallèle une carrière de chanteur à laquelle il se consacre finalement totalement dès la fin des années 1970. Il devient vite un ténor important dans le répertoire wagnérien, même si en troupe d'opéra, il aborde un répertoire beaucoup plus large.

Et c'est bien dans les grands rôles des opéras de Wagner qu'il va marquer l'histoire de l'opéra. Après Siegmund ou Parsifal, il aborde Siegfried à Bayreuth à la fin des années 1980 et sur les grandes scènes internationales et en devient le grand titulaire du rôle, comme aucun ténor depuis Windgassen, ni depuis pour l'heure. Enfin il devient un poignant Tristan à Bayreuth aux côtés de Waltraud Meier dans Isolde et sous la direction de Daniel Barenboïm. C'est dans ce rôle qu'il fait ses adieux au festival de Bayreuth en 1999,  comme Barenboim et W.Meier, leur valant, le soir de la dernière, près d'une heure d'applaudissements et rappels. Après son retrait de la scène à la fin des années 90, Il fait encore quelques apparitions, jusque dans les Maitres chanteurs de Nuremberg, à la demande de Barenboïm, à Berlin en 2015.

Siegfried Jérusalem disposait d'une voix devenue particulièrement puissante au fil de sa carrière, avec un timbre riche, et faisait preuve d'une force et d'une présence dramatique peu commune chez les ténors. Il a ainsi su donner une profondeur particulière à Siegfried grâce à son excellent jeu

d 'acteur mais surtout grâce à sa capacité à allier puissance et finesse du chant. Il est le seul ténor à avoir ainsi pu assumer de façon aussi convaincante toutes les facettes vocales de ce rôle si difficile et meurtrier, avec les légendaires Melchior, Lorenz et Windgassen.

Il a laissé plusieurs témoignages dans ses grands rôles wagnériens et on peut en avoir un aperçu en écoutant et/ou le regardant dans le rôle titre de Siegfried à Bayreuth avec l'extraordinaire mise en scène d'Harry Kupfer et dirigé par Barenboïm.

 

James King

Ténor américain (22 mai 1925 - 20 novembre 2005)

Il naît dans le Kansas d'une mère allemande et d'un père irlandais. Il apprend le chant dans les années 1940 avec un professeur qui lui donne une solide technique et l'amène à apprendre les bases de l'allemand, du français et de l'italien. Il prolonge ses études et devient professeur de chant à l'université du Kentucky dans les années 50. En 1956 il se révèle ténor et ensuite débute une carrière internationale dès 1961, avec Don José dans Carmen à San Francisco, Cavaradossi dans Tosca à Florence puis Berlin pour remplacer Sandor Konya souffrant. Il devient membre de l'opéra de Berlin entre 1962 et 1965, débute au festival de Salzbourg en 1962 puis au festival de Bayreuth de 1965 à 1975 dans ses trois grands rôles wagnériens, Siegmund, Parsifal et Lohengrin. Il refuse de chanter le rôle de Tannhäuser et renonce à celui de Tristan après l'avoir travaillé en vue de l'incarner à Bayreuth. Présent sur toutes les grandes scènes internationales des années 1960 aux années 1980, il interprète encore quelques petits rôles dans les années 1990 comme celui d'Egiste dans Elektra de Strauss.

Il enseigne également longtemps à l'université de l'Indiana.

il interprète nombre de rôles italiens comme Cavaradossi dans Tosca,  Manrico dans Il trovatore, Radamès dans Aida ou Canio dans Pagliacci. Mais c'est dans le répertoire allemand qu'il marquera peut-être avant tout l'histoire du chant au 20e siècle, dans Beethoven (Fidelio), Wagner et plus encore Richard Strauss. Si les rôles de ténor ne sont pas les plus importants ni ceux privilégiés par Strauss, James King en fera des personnages intenses et prenant. Ses incarnations de Bacchus dans Ariane à Naxos ou Apollon dans Daphné sont mémorables. De même, en quelques courtes répliques il arrive à conférer une noblesse, une grandeur décadente et une détresse incroyables au rôle d'Egiste dans Elektra. Mais plus encore c'est dans le rôle de l'Empereur de La femme sans ombre de R.Strauss qu'il est irremplaçable. Aucun autre ténor n'a donné cette dimension à ce rôle ni incarné le personnage avec une telle voix et un chant de cette qualité.

C'est en priorité dans ce rôle qu'il faut l'écouter, dans le live intégral dirigé par Karl Böhm en 1977, ou en récital (monologue du IIe acte, en 1968 sous la direction de Kurt Eichhorn).

 

Sandor Konya

Ténor hongrois (23 septembre 1923 - 20 mai 2002)

Il étudie le chant d'abord à l'académie de musique Ferenc Liszt de Budapest, puis se perfectionne en Italie et en Allemagne. Il débute à Bielefeld dans le rôle de Turridu (Cavalliera rusticana de Mascagni) et poursuit sa carrière principalement en Allemagne dans les années 50. Il devient membre de la troupe de la Deutsche Oper de Berlin en 1955. Il débute à Bayreuth en 1958 dans Lohengrin, puis à Milan en 1960, Paris en 1959 et au Met de New York en 1961, à Covent Garden en 1963 ... Il est membre du Metropolitan opera de New York jusqu'en 1974 et y incarne 287 représentations dans 22 ouvrages de Wagner, Verdi et Puccini plus particulièrement. Il reste des témoignages de ses interprétations dans Tosca (Philadelphie 1966), superbes La fanciulla del West de Puccini (New York 1970) aux côtés de Renata Tebaldi et Madame Butterfly (New York 1969). Les prises de son sont très précaires malheureusement.

Il disposait d'une voix ample et souple, avec un timbre splendide, à la fois légèrement voilé et extrêmement lumineux. Il a peu enregistré et ses disques ne sont que ponctuellement réédités. Pourtant son récital d'airs de Puccini est un modèle par la beauté du timbre et l'élégance du chant, une luminosité extraordinaire. On peut l'écouter au travers quelques live qui ne lui rendent pas tous totalement justice. Et c'est d'abord dans son Lohengrin à Bayreuth en 1958 ou 1959 qu'on peut le découvrir et l'apprécier pleinement. Son format vocal, son timbre solaire unique, l'immense noblesse de sa ligne de chant sont en adéquation parfaite avec ce rôle. Il faut aussi l'écouter dans le magnifique live du Requiem de Verdi dirigé par Carlo Maria Giulini à Londres en 1964.

 

 

Ivan Kozlovsky

Ténor ukrainien (24 mars 1900 - 21 décembre 1993)

Il étudie le chant, le piano et l'art dramatique à Kiev et débute en 1920 à Poltava dans Faust, puis à Kharkov et Kiev en 1923/1924. Il rejoint dès 1926 la troupe du Bolchoï où il demeure l'un des principaux ténors jusqu'en 1954. Mais il s'y produit encore occasionnellement jusqu'en 1970, année où il fait ses adieux dans l'un des ses plus grands rôles, l'Innocent dans Boris Godounov. Il apparaît encore en 1985, à l'occasion d'un concert pour les 90 ans de la basse Mark Reizen. Il fut une véritable star en URSS et un chanteur particulièrement apprécié de Staline. Il enseigne au conservatoire de Moscou entre 1956 et 1980 et s'essaie également à la mise en scène.

Sa voix n'est pas des plus belles, contrairement à Lemeshev, mais sa technique exceptionnelle lui permit d'aborder un répertoire extrêmement important et large. Il a abordé plus de 50 rôles différents, de Lensky à Lohengrin en passant par Rodolfo dans La Bohème ou Faust. La voix était d'une infinie souplesse, sa technique lui permettait de nuancer à l'infini sa voix comme de soutenir la ligne de chant avec un legato impressionnant. Ses grandes qualités d'acteur et sa forte personnalité se retrouvent par ailleurs idéalement dans des rôles de composition comme Mozart dans Mozart et Salieri de Rimsky-Korsakov ou L'innocent dans Boris Godounov.

Il a laissé divers témoignages en studio, à la fois de nombreux airs d'opéra mais également ses grands rôles dans des intégrales en russe (Faust, La Bohème, Boris Godounov, Le Prince Igor, Sadko, Eugène Onéguine, Mozart et Salieri ...).

Il a marqué à jamais le rôle de L'innocent dont il a offert un modèle définitif. Sa vision du rôle est ainsi reprise sinon imitée par la plupart des ténors. Il combine un chant soigné à une caractérisation unique, faite d'un mélange parfait entre la simplicité, la folie et l'indifférence. C'est donc dans ce rôle gravé en 1950 qu'il faut l'écouter. Mais il faut aussi entendre son interprétation sublime de Lensky, aussi raffinée que celle de Lemeshev, ou son interprétation légendaire du chant du marchand indien dans Sadko, dans l'intégrale enregistrée  par Golovanov.  

 

 

Gregory Kunde

Ténor américain (né le 24 février 1954)

Il naît dans l'Illinois où étudie le chant et la direction chorale à l'Université. Il fait ses débuts à l'opéra de Chicago dans le rôle de Cassio dans Otello de Verdi en 1978. Il construit dans les années 80 et 90 une carrière largement orientée vers Rossini et le bel canto, grâce à une vois souple, agile et possédant un suraigu particulièrement facile. Mais en 1994 il est atteint par un cancer. Il interrompt donc plusieurs mois sa carrière, sans en faire connaître la raison. Guéri, il reprend rapidement sa carrière avec de grands rôles du même répertoire, Don Pasquale, La fille du régiment, Les capulets et les Montaigus de Bellini ... Son timbre et son aigu son restés miraculeusement intacts, mais la voix s'est déjà étoffée. Il aborde alors le répertoire français qu'Alfredo Kraus, plus jeune, lui avait fait découvrir. Le grand tournant est sans doute en 2002 lorsqu'il aborde Berlioz, d'abord Benvenuto Cellini puis Les Troyens au Châtelet en 2003 sous la direction de Gardiner. L'évolution de sa voix se poursuit ainsi avec un medium plus large et une ampleur vocale qui ne cesse de se développer depuis. Sans jamais abandonner le répertoire du bel canto dont il garde toutes les qualités liées au soin donné à la ligne de chant et au maintien de son registre aigu percutant, il aborde incessamment de nouveaux rôles toujours plus lourds. Il s'attaque alors aux grands rôles de Verdi avec une qualité et un succès exceptionnels. Il alterne Les vêpres siciliennes, en italien comme en français,faisant d'Arrigo l'un de ses grands rôles, capable de remplacer au pied levé le ténor prévu lors de représentations à Vienne ou chanter la version française à Naples et la version italienne à Paris le lendemain même. Puis il aborde le rôle d'Otello de Verdi dont il donne une incarnation bouleversante et vocalement impressionnante. Il devient ainsi le seul ténor de l'histoire capable d'alterner l'Otello de Rossini et celui de Verdi dans une même saison, en outre avec autant de justesse stylistique et vocale dans les deux cas.

On peut l'écouter et le voir dans différents enregistrements vidéo dont les fameux Troyens du Châtelet en 2003, Otello à Venise, Poliuto, Norma ...

On dit que le ténor a ainsi deux carrières tellement son parcours vocal est unique dans l'histoire du chant. Il se produit très souvent en Espagne, plus rarement en France. Il poursuit aujourd'hui encore des prises de rôle incroyables en alternance avec le répertoire du bel canto.  Son dernier récital enregistré en studio en 2017 restitue le panorama exceptionnel de son répertoire actuel.

 

site internet www.gregorykunde.com

 

 

Giacomo Lauri-Volpi

Ténor italien (11 décembre 1892 ? - 17 mars 1879)

Chanteur aux moyens exceptionnels, il étudie d'abord le droit à l'université de Rome. Il apprend seulement ensuite le chant auprès du baryton Cotogni. Après une interruption pour participer à la guerre, il se lance rapidement dans une carrière professionnelle avec l'un de ses grands rôles, Arturo dans Les Puritains de Bellini, près de Rome, en 1919. C'est le début d'une carrière très longue puisqu'il chantera à la scène jusqu'en 1959 et en récital jusqu'en 1972 ! Sa célébrité viendra en particulier de sa participation régulière (plus de 20 représentations) au Met de New York, aux côtés de Beniamino Gigli, après le décès de Caruso, dès 1923, et pour avoir été le créateur de Calaf dans Turandot de Puccini. Sa carrière aura été cependant un peu ternie par sa sympathie pour Mussolini et par une carrière sur scène considérée comme trop longue.

Dans les années 1920, Lauri-Volpi disposait d'une voix aux aigus étincelants et surtout d'une souplesse fabuleuse le plaçant dans la tradition belcantiste, avec un vibrato serré prononcé (qualifié de "bêlement" par ses détracteurs). Sa voix évolue ensuite pour devenir plus héroique encore et perd ce vibrato particulier. L'aigu restera d'une facilité extraordinaire jusqu'à la fin de sa carrière comme on peut l'entendre dans l'air nessun dorma de Turandot en 1972, à 80 ans. Et surtout, malgré l'irrégularité de la voix après les années 30, il demeure jusqu'à la fin un styliste extraordinaire, comme en témoigne encore son interprétation dans Luisa Miller de Verdi en 1954.

Pour mesurer la perfection du style et la souplesse absolue de la voix et de la ligne vocale, il faut vraiment l'écouter dans l'air A te o cara (I puritani) dans l'enregistrement réalisé en 1928. Jamais aucun ténor n'aura allié une telle voix puissante, lumineuse et avec une ligne d'un tel raffinement. La scène du Nil d'Aida de Verdi qu'il enregistre à la fin des années 20 avec la soprano Elisabeth Rethberg et le grand baryton Giuseppe de Luca est un autre témoignage du ténor verdien exceptionnel qu'il était durant l'entre deux guerre, avec une voix claire, puissante et lumineuse.

Un phénomène vocal par sa longévité, sa vaillance vocale allié à un style d'un grand raffinement, ses aigus percutants tout au long de sa carrière.

  

 

Sergei Lemeshev

Ténor russe (10 juillet 1902 - 26 juin 1977)

Il naît dans une famille pauvre à Kalinin (Nord Est de Moscou). Après le décès de son père il reçoit finalement le soutien d'une famille d'adoption, amateur d'art et de musique. Il y reçoit de premiers cours de musique puis part étudier au conservatoire de Moscou. Il débute dans une troupe d'étudiants amateurs dans son rôle fétiche, Lensky dans Eugène Onéguine de Tchaikovsky. Refoulé par le Bolchoi ne le trouvant pas prêt, il débute en 1926 en Ukraine. Il effectue ses premiers enregistrements dès 1928 dont le grand air de Lensky. Après un passage à l'opéra de Tiflis (Tbilisi) en Géorgie où il élargit son répertoire (Rigoletto, La Bohème, La fiancée du Tsar ...), il accède finalement au Bolchoi à partir de 1931 pour y poursuivre une carrière exceptionnelle jusqu'en 1957. Homme d'un grand charme et à la voix d'or, il est adulé du public et devient une star dans les années 1940 et 50 en URSS.

Il fut également un grand interprète des mélodies russes et son exploit de donner en 5 concerts d'affilée une centaine de mélodies de Tchaikovsky en 1938 est resté dans l'histoire du chant.

Il disposait d'un timbre sublime, mouelleux, chaud et rond sur l'ensemble de la tessiture. Son chant est toujours très soigné, raffiné et expressif. Il était capable de superbes nuances et de conduire des nuances pianos saisissantes.

Il faut donc l'écouter dans Eugène Onéguine (extraits en 1928, 1936 ou intégrale en 1954 dirigée par Boris Khaikin). Les mélodies de Tchaikovsky qu'il a enregistrées montrent également le charisme incroyable qu'il dégageait dans ces pièces plus intimistes.

Il s'agit véritablement de l'une des plus belles voix du 20e siècle.

 

 

Max Lorenz

Ténor allemand (10 mai 1901 - 11 janvier 1975)

Il fait ses études de chant à Berlin ainsi qu'à Bayreuth auprès du chef Karl Kittel. Après quelques petites rôles à Berlin durant l'année 1926 il débute à l'opéra de Dresde en 1927 dans le rôle de Walter von der Vogelweide dans Tannhäuser de Wagner. Il y demeure dans la troupe de l'opéra de Dresde jusqu'en 1931, date à laquelle il retourne à Berlin et devient à partir de 1933 membre de la troupe de la Staatsoper ainsi que membre de l'opéra de Vienne durant les années 1930 et 40. Il se produit à Milan, Paris ou Londres dans les grands rôles du répertoire wagnérien. Il chante régulièrement les grands rôles de ténor à Bayreuth entre 1933 et 1939. Il a sa réputation entamée du fait qu'il chante sous le régime nazi et aurait été apprécié par le régime. Néanmoins il s’était marié en 1932 avec la chanteuse Charlotte Appel qui était juive et rencontra en réalité des tensions avec le régime. Il poursuit sa carrière après 1945, au Met pendant quelques saisons (1947 - 1950) et à nouveau à Bayreuth en 1952 dans Siegfried et en 1954 dans Siegmund. A la fin de sa carrière il est présent au festival de Salzbourg pour des créations mondiales d'œuvres de von Einem, von Liebermann et Egck. Il fait ses adieux à la scène en 1962 dans le rôle d'Hérode dans Salomé de R.Strauss à l'opéra de Vienne. 

Max Lorenz est souvent considéré comme l'un des deux Heldentenor wagnériens légendaires et absolus, avec Lauritz Melchior.  Il disposait d'une voix extrêmement puissante et rayonnante, comme faite naturellement pour le rôle de Siegfried. Son physique semblait par ailleurs correspondre largement à l'archétype du héros wagnérien. Au-delà même de ses facultés vocales extraordinaires, on trouve une urgence dans cette voix et une force dramatique exceptionnelles, avec un impact irrésistible sur l'auditeur.

Pour s'en rendre pleinement compte, il faut écouter son Tristan dans les live de la fin des années 1940 (superbe live à Hambourg  en 1949), mais aussi son Bacchus dans Ariane à Naxos donnée à Vienne en 1944 pour les 80 ans du compositeur (dirigé par Karl Böhm). Et puis son retour dans Siegmund en 1954 à Bayreuth (La Walkyrie dirigée par J.Keilberth et avec Matha Mödl en Sieglinde) est encore bouleversant et impressionnant, même si le chanteur n'est plus vocalement tout à fait à son sommet absolu.

  

 

Giovanni Martinelli

Ténor italien (22 octobre 1885 - 2 février 1969)

Après ses tout débuts dans le petit rôle du messager dans Aida de Verdi, il interprète dès 1910, à Milan, la partie de ténor dans le Stabat mater de Rossini puis le rôle titre d'Ernani de Verdi. Il passe alors une audition à Rome, devant Puccini, Toscanini et l'éditeur Ricordi. Ce jury exceptionnel décide de lui confier le rôle du ténor pour la création européenne de l'opéra de Puccini, La fanciulla del West, prévue en 1911. Il triomphe ensuite dans Tosca à Londres en 1912. Mais c'est sa carrière au Met qui va le consacrer comme l'un des plus grands ténors italiens du siècle. Il y débute en 1913 dans La bohème de Puccini et y chantera pendant 33 saisons consécutives, dans 900 représentations et 38 rôles. Outre les grands rôles du répertoire italien et français, il fera même une excursion en 1939 dans Tristan und Isolde avec Kirsten Flagstad à Chicago.  Après son retrait de la scène en 1950, il fera une dernière apparition dans le petit rôle de l'Empereur dans Turandot de Puccini en 1965 à Seattle.

La voix de Martinelli était exceptionnelle. Sa voix était puissante et d'une grande souplesse, avec un legato fabuleux. Le timbre était d'une grande luminosité même si quelque chose dans l'émission donne le sentiment que la voix s'arrache de terre. Son style est empreint d'une grande noblesse même si dans certains live la ligne est parfois marquée par quelques tremblements au style un peu daté. Enfin il disposait d'un souffle quasi inépuisable comme on le perçoit dans Pagliacci en live au Met en 1937.

Plusieurs autres live issu du Met ont été publiés et donnent une idée de cette voix incroyable : Aida, La Gioconda, Simon Boccanegra, Norma, et surtout un fabuleux Otello.

Il faut aussi écouter les extraits de Turandot qu'il à donné à Convent Garden en 1937, avec Eva Turner. Son chant est d'une d'une beauté et d'une noblesse exceptionnelles. En studio, les extraits d'Aida et de La Forza del destino avec la basse Ezio Pinza, le baryton Giuseppe de Luca et les sopranos Rosa Ponselle et Elisabeth Rethberg demeurent des témoignages incontournables et légendaires.

 

 

Lauritz Melchior

Ténor américain d'origine danoise (20 mars 1890 - 18 mars 1973)

Après avoir chanté dans son enfance dans un chœur d'église il prend à partir de 1908 des leçons de chant à l'école de l'opéra royal de Copenhague. Il entame une carrière comme basse-baryton et débute ainsi, avec le rôle de Silvio (Pagliacci de Leoncavallo), une carrière de quatre années dans cette tessiture à l'opéra de Copenhague. Mais en 1917/1918, il suit des cours auprès d'un ancien grand ténor danois, Vilhelm Herold. Il reprend alors sa carrière comme ténor et incarne ainsi Tannhäuser à l'opéra de Copenhague en 1918. Il poursuit ensuite sa carrière en Angleterre, donnant plusieurs concerts.Il apprend les rôles en allemand et se perfectionne auprès de plusieurs chanteurs wagnériens de l'époque. En 1924 il interprète Siegmund et Parsifal à Londres et au festival de Bayreuth. dans les années 1920 il chante ses grands rôles wagnériens à Berlin, Londres, Bayreuth et le Met de New York où il débute en 1926. Mais avec les événements en Allemagne à compter de 1933 il n'y chante plus (et dès 1931 pour Bayreuth). Enfin il quitte définitivement l'Europe en 1939 et poursuit son exceptionnelle carrière, essentiellement wagnérienne, aux Etats-Unis et chantera au Met jusqu'en 1950. Jusqu'au milieu des années 50 il continue à se produire dans des comédies musicales. Il apparaissait également régulièrement à la radio, à la télé et tourna quelques films, y compris après son retrait des scènes. Il chante encore à la radio danoise le premier acte de La Walkyrie pour ses 70 ans.

Melchior est quasiment aussi mythique que les rôles wagnériens qu'il interprétait. Avec une stature particulièrement imposante il disposait d'une voix hors norme. Sa voix, au timbre effectivement barytonnant, était d'une puissance unique dans l'histoire du chant, surmontant les difficultés des partitions de Wagner avec une facilité déconcertante. Comme la soprano Kirsten Flagstad, sa voix donnait l'impression d'être un orgue. Son souffle exceptionnel l'amenait à tenir de façon extrême certains points d'orgue, comme les fameux "Wälse" au 1er acte de La Walkyrie, restés célèbres pour la longueur de leur tenue. Mais au-delà du phénomène vocal, il apportait une densité et une force surhumaine à ces rôles, rendant ses incarnations passionnantes aussi sur le plan dramatique, bien que ses qualités strictes d'acteur étaient modestes.

Il faut donc l'écouter tout particulièrement dans les rôles de Siegmund, Siegfried et Tristan pour mesurer la différence entre la voix de Melchior et celle de tous les autres ténors, et écouter la force de ses interprétations. Outre le 1er acte de La Walkyrie enregistré en studio à Vienne sous la direction de Bruno Walter, il existe plusieurs retransmissions radio du Met des années 1930/40 permettant de l'entendre dans ses différents rôles wagnériens. Le choix entre les différentes publications se fera surtout selon l'intérêt des partenaires, souvent eux aussi des légendes vocales (Flagstad, Varnay, Lehmann, Lawrence, Schorr, ...).

 

 

Georgy Nelepp

Ténor russe (20 avril 1904 - 18 juin 1957)

Après une jeunesse tournée vers une carrière militaire, il est remarqué à l'armée pour ses aptitudes musicales. Il entre finalement au conservatoire de Saint Pétersbourg en 1926 puis débute dans le rôle de Lensky (Eugène Onéguine de Tchaikovsky) en 1929.

Il va devenir le grand ténor dramatique russe des 30 et 40, laissant des inteprétations marquantes d'Hermann dans La dame de Pique de Tchakovsky, le faux Dmitri dans Boris Godounov, le rôle titre dans Sadko de Rimsky-Korsakov ... , mais aussi les grands rôles non russes tels Fidelio, Radamès, Don José, à l'exception des rôles wagnériens. Il décède d'une attaque cardiaque encore au sommet de ses moyens. L'homme conserve une image controversée à cause de son activisme politique soviétique par lequel il aurait cherché à évincer d'autres chanteurs durant les heures sombres de l'URSS. Cette image a surtout été véhiculée par la soprano Vichnievskaya qui ne l'a cependant connu qu'à la fin de sa vie.

En revanche les témoignages discographiques permettent d'apprécier, sans aucune réserve, la richesse de son timbre, la souplesse et l'aisance de sa voix lui permettant de superbes nuances et decrescendo, ainsi que sa puissance dramatique.

Il faut absolument écouter ses enregistrements des rôles d'Hermann et de Sadko réalisés autour de 1949 - 1951. Ce sont de véritables références et il  n' a toujours pas aujourd'hui de réel successeur, malgré quelques belles incarnations ces vingt dernières années.

Il reste ainsi un véritable modèle inégalé parmi les ténors héroïques et tout particulièrement dans le répertoire russe.

 

 

Richard Tauber

Ténor autrichien (16 mai 1891 - 8 janvier 1948)

Il naît à Linz d'un couple non marié d'artistes, sa mère, actrice et chanteuse, son père acteur puis directeur de théâtre. Il étudie le piano  et le violon mais se passionne encore enfant pour les opéras de Wagner et entre en 1908 au conservatoire de Francfort pour apprendre la composition, la direction et le piano. il quitte le conservatoire en 1910, prend des cours de chant et débute en 1912 avec un concert de Lieder, puis à l'opéra de Chemnitz en 1913. Il va au cours des années 1920 devenir une star du chant, à la fois à l'opéra, avec un répertoire très large, et dans le répertoire de l'opérette et la musique légère. Il se produit aussi bien au festival de Salzbourg qu'à la Maison blanche pour le Président Roosevelt, tourne de nombreux films, enregistre de multiples disques et des opérettes. Il doit fuir le régime nazi qui lui confisque des biens et annule son passeport et s'installe en Grande-Bretagne. Atteint d'un cancer, il décède à Londres en 1948, ayant encore chanté dans Don Giovanni quelques mois plus tôt à l'opéra de Covent Garden.

L'importance des enregistrements qu'il a effectué permet de l'écouter sur une large période de sa carrière, aussi bien dans l'opéra, le Lied que l'opérette et la chanson, témoignant du Berlin chic des années 1920. Son charisme extraordinaire se perçoit dans chacun de ses témoignages. Ses interprétations des airs de Franz Lehar qui les a souvent composés pour Richard Tauber sont des incontournables. Il y met un charme unique qui met cette musique en dehors de toute mièvrerie et leur confère une grande émotion. Il fut une telle star qu'une chanson intitulée Wenn ich Richard Tauber wär (Si j'étais Richard Tauber) a été faite sur lui dans les années 30 et dont il reste un enregistrement réalisé par  Willy Rosen, chanteur de cabaret de l'époque.

 

Site internet : www.richard-tauber.de

 

 

Cesare Valetti

Ténor italien (18 décembre 1922 - 13 mai 2000)

Après avoir étudié auprès de Tito Schipa, dont il peut être considéré comme un héritier, il débute à Bari en 1947 dans le rôle d'Alfredo de La Traviata. Sa carrière prend un essor important en Italie puis à New York. Il s'illustre dans les grands rôles du répertoire du bel canto mais également dans Mozart (Ottavio dans Don Giovanni à Salzbourg), le répertoire français (Werther, Manon ...) mais également de façon plus inattendue dans le Lied allemand. Il marque en particulier le rôle de Nemorino dans l'Elisir d'amore dont il laisse un enregistrement en studio sous la direction de Gavazzeni. Il met un terme à sa carrière assez tôt, en 1968 dans le rôle de Néron du Couronnement de Poppée de Monteverdi.

Il disposait d'un timbre soyeux et lumineux, sans doute plus étoffé que Tito Schipa, lui permettant d'élargir son répertoire un peu au-delà de celui de ténor di grazia. Il disposait également d'un aigu facile, rayonnant et bien timbré. Mais surtout il interprétait ses rôles avec un raffinement absolument exceptionnel qui en fait une sorte de modèle. Seuls quelques sons parfois trop ouverts et nasals altèrent ponctuellement ses superbes interprétations. Il faut écouter ses enregistrements live dans Nemorino (plus encore que le studio) ou d'Ernesto dans Don Pasquale, Des Grieux dans Manon ou Alfredo dans la Traviata pour mesurer l'extrême beauté et l'élégance absolue de son chant.

Cesare Valetti est demeuré moins célèbre que ses contemporains tels Del Monaco ou Di Stefano. Il a pourtant marqué l'histoire du chant.

 

 

Jon Vickers

Ténor canadien (29 octobre 1926 - 10 juillet 2015)

Fils d'un directeur d'école, il travaille dabord comme vendeur puis responsable dans plusieurs commerces, avant de pouvoir entrer au conservatoire royal de Toronto au début des années 1950, pendant 5 ans. Après quelques concerts au Canada, il est auditionné par le Royal Opera House de Convent Garden en 1956 et sa carrière prend immédiatement son essor avec ses débuts à Londres dans Riccardo du Bal masqué de Verdi en 1957. Il y chante dès 1958 deux de ses grands rôles, Don José dans Carmen de Bizet et Enée dans Les troyens de Berlioz, ainsi que Don Carlo sous la direction de Giulini et dans une mise en scène de Visconti. Il appraît également cette même année à Bayreuth dans Siegmund. Il n'y retournera qu'en 1964 pour les "derniers" Parsifal de Knappertsbusch. Il devient l'un des ténors héroïques incontournables du Metropolitan Opera de New York dès 1960, y débutant avec Canio dans Pagliacci de Leoncavallo. Son répertoire est assez large, avec Neron dans Le couronnement de Poppée de Monteverdi, Don Alvaro dans La force du destin de Verdi, Hermann dans La dame de Pique de Tchaikovsky, Samson (Samson et Dalila de Saint-Saëns), etc ... Mais les rôles qu'il marquera avant tout seront sans doute Otello, Florestan (Fidelio de Beethoven), Tristan (Tristan et Isolde de Wagner), Enée (Les Troyens) et Peter Grimes de Britten. Il fut également un grand interprète de Lieder et d'œuvres vocales religieuses. Il met un terme à sa carrière après avoir chanté le IIe acte de Parsifal en 1988.

Son timbre ne disposait pas naturellement de la splendeur d'autres chanteurs, mais elle dégageait une puissance et une expressivité extraordinaires. Il diposait également de grandes qualités d'acteur et son sens dramatique intense transparaît largement dans son chant.

Il a gravé en studio ses grands rôles (Radamès, Florestan, Otello, Siegmund, Peter Grimes ...). Pour mesurer l'intensité de l'émotion qu'il pouvait dégager avec son chant puissant mais capable de superbes nuances, on peut l'écouter tout particulièrement dans le duo d'amour des Troyens dans l'enregistrement réalisé avec Colin Davis.

 

 

Wolfgang Windgassen

Ténor allemand (26 juin 1914 - 8 septembre 1974)

Son père est déjà un Heldentenor célèbre (1883 - 1963) ainsi que professeur de chant avec lequel Wolfgang étudiera. Sa mère est également chanteuse colorature. Il débute à Porfzheim en 1941 dans Alvaro de La forza del destino de Verdi. Il devient membre de l'opéra de Stuttgart dès 1945, comme son père, pour y rester jusqu'à la fin de sa carrière en 1972, devenant intendant du même théâtre jusqu'à sa mort deux ans plus tard. Il participe à la réouverture du festival de Bayreuth en 1951 dans Parsifal et Froh dans L'or du Rhin. Il y incarne tous les rôles de ténor wagnériens jusqu'en 1970 et en est l'un des piliers pendant 20 ans, grâce à une endurance sidérante. Il interprète certains de ses grands rôles wagnériens, en particulier Siegfried et Tristan, à Stuttgart, Milan, Londres et New York au cours des années 50 et 60. Mais il sera également un grand Florestan dans Fidelio de Beethoven et un Orlofsky mémorable dans l'opérette La Chauve souris de Johann Strauss resté célèbre grâce à une version filmée.

De nombreux enregistrements live officiels ou bandes radio permettent de l'entendre dans tous ses rôles wagnériens et de mesurer son extraordinaire talent de chanteur et comme interprète : Parsifal, Lohengrin, Tannhäuser, Siegmund, Siegfried, Walter von Stolzing, Erik, Tristan, Siegfried, Loge. Et dans chacun de ces rôles il laisse une incarnation vocalement et dramatiquement inoubliables. Il disposait d'un timbre assez clair et d'une ligne de chant exemplaire même dans les rôles les plus lourds chez Wagner. Il a pu incarner tous ces rôles éprouvants de nombreuses fois sans usure vocale ni fatigue apparente, grâce une technique exceptionnelle et une capacité à doser ses efforts sans pour autant laisser le sentiment de s'économiser à aucun moment. Il avait par ailleurs le sens du texte et une diction concourant à ce qu'il livre des incarnations passionnantes.

Il faut absolument l'entendre dans tous ses rôles wagnériens, ainsi que dans Fidelio. Mais sans doute ses interprétations de Siegfried, Tristan et Tannhäuser sont les plus indispensables encore (à Bayreuth entre 1953 et 1967 pour ces trois rôles, indifféremment pour l'année).