Piotr Illytch Tchaikovsky (1840 - 1893)

Eugène Oneguine

Le plus célèbre des opéras du compositeur, créé en 1879, compte environ 70 versions audio et video. L'opéra a été donné régulièrement sur toutes les scènes mondiales et de nombreux chanteurs non russes ont chanté dans cet opéra au fil des ans. C'est ainsi qu'on peut entendre Giuseppe Taddei et Cesare Valetti en italien (en 1953 pour la Rai de Milan), George London et Anton Dermota en allemand (en 1954 pour RCA et en live à Vienne en 1955) ou encore en anglais au Met sous la direction de Mitropoulos (en 1957) et même avec Thomas Hampson et Kiri Te Kanawa (en 1992 pour Chandos).

Au sein de cette discographie diverse, on appréciera en particulier le célèbre enregistrement de 1956 sous la direction de Boris Khaikine chez Melodyia, ou celui d'Emil Tchakarov réalisé en 1988 pour Sony. On pourra aussi retrouver en video le merveilleux baryton Hvorostovsky, référence dans le rôle-titre, au Met en 2007 sous la direction de Gergiev et dans une production de Robert Carsen. On écoutera aussi avec intérêt le live de Vienne en 1955 avec George London, Leonie Rysanek et Anton Dermota. Chanté en allemand, la ton est dans l'ensemble un peu exotique, mais la personnalité de ces trois artistes fait de cette représentation un moment intense.

Pour cette œuvre, on privilégie ici deux versions plus équilibrées et traduisant à notre sens au mieux l'atmosphère dramatique créée par Tchaïkovski à partir du roman de Pouchkine .

 

         Nuccia Focile, Dmitri Hvorostovsky, Neil Shicoff, Olga Borodina,     

         Alexander Anisimov

         S.Bychkov - Orchestre de Paris                         1992

Il s'agit d'un enregistrement effectué après une série de représentations donnée au Châtelet en 1992, dans une mise en scène d'Adolf Dresen, avec les décors de Karl-Ernst Hermann, créée quelques années plus tôt à Berlin. La distribution est identique dans l'enregistrement studio, à l'exception d'Olga Borodina dans le rôle d'Olga. On y retrouve, encore à l'orée de sa grande carrière internationale, le regretté Dmitri Hvorostovsky, disparu beaucoup trop tôt. Il a profondément marqué ce rôle sur scène, dans différentes productions par la suite, à la fois par sa grande présence physique (au sens propre comme figuré) et par la splendeur de l'incarnation vocale. Sans revenir sur cette voix aux couleurs exceptionnelles, on peut admirer la façon dont il sait traduire la transformation du personnage, de la froideur hautaine aux emportements fougueux de la scène finale. Il demeurera pour longtemps le grand interprète incontournable du rôle. A ses côtés, la soprano italienne Nuccia Focile incarne une belle Tatiana fragile et sensible tout à fait convaincante. Neil Shicoff aborde ici l'un de ses plus beaux rôles, avec un engagement vocal d'une grande intensité. Outre Olga Borodina dans le court rôle d'Olga, on retrouve avec émotion la grande mezzo Irina Arkhipova dans celui de la nourrice. L'ensemble est conduit avec enthousiasme par Semyon Bychkov. Le chef apporte une grande attention aux couleurs, au lyrisme de la partition, tout en évitant tout sentimentalisme excessif. 

 

         Elena Krugilova, Andrei Ivanov, Ivan Kozlovsky, Maria Maksakova,     

         Mark Reizen

         A.Orlov - Choeur et orchestre du Bolchoï       1948

Cette version enregistrée à Moscou en 1948 affiche une distribution exceptionnelle. Dans le rôle-titre, le baryton Andrei Ivanov (1900-1970), avec une voix de bronze magnifique, est un Eugène Onéguine légèrement placide mais qui offre surtout un très beau chant noble et superbement nuancé. A ses côtés, la Tatiana d'Elena Krugilova - son second enregistrement après celui de 1936 - est l'une des plus idiomatiques et magnifiques de la discographie. Ivan Kozlovsky, dont le timbre est si particulier, incarne un Lenski fabuleux, avec un chant d'un raffinement extrême convenant idéalement au rôle. Celui-ci est ainsi totalement enfermé, avec une certaine affectation, dans un amour rêvé, idéalisé. Son grand air du 3e acte "Kuda, kuda vi audavilis" est un morceau d'anthologie, comme seul Sergei Lemeshev et lui ont su proposer avec un caractère russe bien particulier. Le prince Gremine est incarné par une autre légende, Mark Reizen. Dans son air, la ligne souple, le souffle, l'ampleur de la voix, la profondeur du timbre et des graves, l'attention au poids des mots, se combinent pour en faire là encore une incarnation exceptionnelle, insurpassable. 

Le chef mène avec efficacité l'ensemble, traduisant bien le ton tragique. La prise de son place cependant  l'orchestre assez en retrait et ne permet de se faire qu'une idée partielle du travail de la direction d'orchestre.

 

 La dame de Pique

On dénombre autour d'une cinquantaine d'enregistrements de cet opéra, dont bien peu disponibles aujourd'hui. Outre la version enregistrée par Rostropovitch pour Deutsche Grammophon, c'est principalement Vladimir Atlantov qui a beaucoup porté le rôle d'Hermann, avec deux studios (en 1974 et 1991) et des live. Mais aujourd'hui, ce sont surtout les témoignages de Vladimir Galouzine (Galusin) que l'on recherchera. Le plus aisé est de se procurer la captation réalisée en 2005 à l'Opéra de Paris dans la mise en scène de Lev Dodin et parue en DVD. Le chanteur, totalement investi dans un rôle qu'il connaît parfaitement et par la mise en scène, y  est saisissant.

On pourra trouver des satisfactions dans les versions de Mark Emler, Rostropovitch, Ozawa, Jansons ou Jurowski. Deux références russes s'imposent cependant prioritairement avec des distributions excellentes et homogènes, les enregistrements de Melik-Pashaev et de Valery Gergiev.

 

Georgy Nelepp, Evgenya Smolenskaya, Veronika Borisenko,

Alexeï Ivanov, Pavel Lisitsian

A.Melik-Pashaev - Chœur et orchestre du Bolchoï     1949/50

         Gegam Grigorian, Maria Guleghina, Olga Borodina, Nikolai Putilin,

         Vladimir Chernov

         V.Gergiev - Chœur et orchestre du Kirov                     1992