Mariss Jansons est parti

 

L'immense chef d'orchestre letton est décédé le 1er décembre 2019, à l'âge de 76 ans, ainsi que le confirmait le site de l'orchestre de la radio bavaroise.

 

Né à Riga d'un père chef d'orchestre réputé et d'une mère chanteuse d'opéra, il est plongé dans le monde de la musique dès son enfance. Il prend des cours de violon, piano et direction d'orchestre à Leningrad où ses parents sont partis vivre. Il se perfectionne auprès d'Hans Swarowsky et Herbert von Karajan et va devenir assistant auprès d'Yevgeny Mravinsky. C'est ensuite à Oslo qu'il va vraiment développer sa carrière internationale où il est directeur musical de l'orchestre pendant 21 ans, avant de rejoindre l'orchestre de Pittsburgh.

Après des problèmes de santé à la fin des années 1990, il devient en 2003 le chef principal de la radio bavaroise et directeur musical de 2004 à 2015 du Royal Concertgebow Orchestra d'Amsterdam. Il devait conserver ses fonctions auprès de l'orchestre de la radio bavaroise jusqu'en 2024.

Il a par ailleurs dirigé les plus grands orchestres du monde comme chef invité, y compris à Vienne pour le Concert du nouvel an à trois reprises, ainsi que de nombreuses représentations d'opéra. 

Il laisse une discographie abondante, témoignant de son travail avec les orchestres qu'il a dirigé (Oslo, Amsterdam et la radio bavaroise en particulier). 

On pourra se consoler partiellement de cette disparition en écoutant parmi les derniers enregistrements qui ont été publiés, les symphonies 7 et 10 de Chostakovitch, avec l'orchestre de la radio bavaroise. Ces interprétations, à l'image du concert donné encore le 31 octobre 2019 à la Philharmonie de Paris, sont d'une très grande beauté et d'une profonde émotion, toujours empreinte de cette élégance si caractéristique du chef.

 

site de l'orchestre de la radio bavaroise

 

 

 

Michael Spyres 

Ténor sur les traces de la légende

 

Le ténor américain avait magistralement interprété le rôle de Rodolphe dans La nonne sanglante de Gounod à l'Opéra-comique, sous la direction de Laurence Equilbey. L'enregistrement vidéo cette série de représentations est désormais disponible en DVD / Blu-ray. Nous en profitons pour revenir sur son enregistrement d'airs d'opéras publié par Opera Rara fin 2017.

Il s'agit d'un hommage au ténor légendaire français Gilbert Duprez, né en 1806 et mort en 1896, resté notamment célèbre pour avoir été le premier à chanter en pleine voix (en voix de poitrine) les contre-ut. Il a participé à la création de nombreux opéras comme La Favorite ou Lucia di Lammermoor de Donizetti. Il créa une école de chant à Paris, fut également compositeur et même un temps Maire de Valmondois (Val d'Oise). On en trouve un portrait notamment au musée Carnavalet à Paris.

Le ténor américain, qui s'est imposé ces dernières années dans Rossini, avec une tessiture très étendue de bary-ténor, propose ici une sélection d'œuvres que créa ou interpréra Gilbert Duprez, tels Othello de Rossini, Dom Sebastien ou Lucie de Lammermoor de Donizetti, en français, mais également La reine de Chypre ou Guido et Ginevra d'Halevy.

Michael Spyres, comme son compatriote John Osborn, tente de renouer avec son illustre prédécesseur du 19e siècle, ténor romantique, avec une ligne de chant extrêmement soignée, un grand sens des nuances, une attention aux mots. Et Spyres dispose de toutes ses qualités, avec une voix très souple, un tessiture à l'étendue ahurissante et une excellente prononciation française.

Nous avons ici la chance d'entendre un ténor, qui est un véritable phénomène vocal, se mettre au service d'un répertoire en bonne partie rare, sans chercher à faire de la démonstration de son incroyable technique et virtuosité, mais qui est plutôt au service de la nuance, de la fluidité dans la conduite des phrases et d'une grande élégance dans le ton.

On retrouvera toutes ses qualités dans son enregistrement du rôle d'Enée, dans Les Troyens de Berlioz, également paru  l'automne 2017.

Voici donc un récital passionnant et exemplaire, tant par les qualités vocales du chanteur que l'adéquation parfaite du style au répertoire.

 

Dmitri Hvorostovsky dans Rigoletto

 

Le dernier enregistrement d'un opéra par cet immense baryton russe, disparu prématurément, est désormais disponible en magasin en France pour ceux qui ne se le seraient déjà procurés sur un site de vente en ligne.

Il a fallu à nouveau compter avec l'éditeur américian Delos pour que soit immortalisé le baryton dans l'un de ses grands rôles, Rigoletto, après celui de Simon Boccanegra. L'enregistrement a été effectué au début de juillet 2016, avec le chef américain, d'origine russe Constantine Orbelian, fidèle à l'éditeur.

C'est avec beaucoup d'émotion qu'on écoute Dmitri Hvorostovsky dans cet enregistrement, alors qu'il lutte depuis plus d'un an contre cette tumeur au cerveau dont il succombera fin 2017. C'est aussi dans l'air "Cortigiani, vil razza" qu'il apparaît lors de la cérémonie du 50e anniversaire du Lincoln Center à New York, en mai 2017, suscitant une immense ovation de la part des 3000 spectateurs comme des musiciens de l'orchestre.

Il faut garder à l'esprit l'importance de ce rôle pour le chanteur et son état de santé physique dramatique, quand on écoute l'engagement et l'apparente santé vocale dont il  fait, à l'inverse,  preuve à ce moment là. Et si à 54 ans, gravement malade, le chanteur est peut-être moins parfait que quelques années plus tôt, son incarnation bénéficie d'un engagement dramatique et vocal époustouflant et bouleversant.

A ses côtés figure la jeune soprano américaine Nadine Sierra, alors âgée de 28 ans et  qui est déjà célèbre internationalement, en particulier avec ce rôle. Elle a déjà incarné Gilda à Naples, Milan, Paris, Orange et New York en 2019. Sa voix est ronde et les aigus chaleureux. Son interprétation est sensible, y compris dans les vocalises. Elle confirme dans cet enregistrement qu'elle est une belle titulaire du rôle.

Le Duc de Mantoue est chanté par le ténor sarde Francesco Demuro, habitué du rôle pour l'avoir chanté à différentes reprises depuis 2008 à Parme. Avec un timbre lumineux, une ligne de chant soignée et un aigu facile, il grave une belle incarnation du rôle.

Les seconds rôles sont bien tenus, avec notamment la basse sombre Andrea Mastroni dans Sparafucile et un un beau baryton lithuanien dans le rôle de Monterone.

ll reste que le chef a pu apparaître plus inspiré dans d'autres enregistrements qu'il a effectués pour ce label. Sa direction est dans l'ensemble plutôt lente et surtout manque de dimension dramatique, faisant reposer la tension sur les seuls chanteurs.

 

Dmitri Hvorosotovsky, Nadine Sierra, Francesco Demuro, Andrea Mastroni, Oksana Volkova

Kaunas City Symphony Orchestra, Kaunas State Choir, dir. Constantine Orbelian

2 CDs Delos