En 2020 : Vaclav Neumann dirige Janacek, double hommage

 

En avril et mai 1962, Vaclav Neumann enregistrait l'opéra de Leos Janacek, Les excursions de M.Broucek.

Entre 1908 et 1917, le compositeur morave composait le 5e de ses 9 opéras, son unique ouvrage comique, d'après une nouvelle de Svatopouk Cech. Cette nouvelle Les Voyages de Monsieur Brouček dans la lune et au XVe siècle avait été publiée une vingtaine d'années plus tôt. Son auteur était un journaliste et écrivain s'intéressant dans son œuvre au renouveau d'une nation tchèque ainsi qu'aux problèmes sociaux de son époque.

Janacek commença par s'occuper lui-même du livret pour sa première partie puis fit appel à plusieurs librettistes pour achever le texte de l'opéra.

Cette œuvre est pur chef d’œuvre du compositeur, pleine de poésie, d'imagination, de lyrisme et d'un humour burlesque. On y retrouve cette écriture caractéristique du compositeur, avec des phrases et mélodies riches et concentrées qui s'enchaînent s'en s'éterniser, avec une écriture très efficace et très riche.

L'opéra n'est malheureusement que très rarement jouée en dehors de Brno et Prague.

 

Heureusement, il existe plusieurs enregistrements audio pour découvrir cette œuvre magnifique. D'abord Joseph Keilberth qui a travaillé à Prague et proposait l'ouvrage à Munich en 1959, en allemand. Depuis Jiri Pinkas en 1980 puis Jiri Belohlavek en 2007 enregistraient l'opéra.

 

Mais en cette année anniversaire, on pourra avec plaisir aller vers la version laissée par Vaclav Neumann, le chef étant précisément né en 1920, quelques mois après la création de cet opéra.

Le chef tchèque a gravé les grandes œuvres du répertoire tchèque mais a aussi beaucoup fait pour enregistrer et défendre l'ensemble du répertoire tchèque des 19e et 20e siècle. Il a ainsi gravé un certain de partitions de Janacek dont La petite renarde rusée et De la maison des morts. Et il laisse une version idiomatique, vive et animée, justement un peu rugeuse de cet opéra Les excursions de M.Broucek, à la tête d'une belle distribution.

 

Voilà donc un bel hommage que d'écouter cette grande œuvre par ce très grand chef d'orchestre né en 1920, ici à la tête de l'Opéra national de Prague.

 

Leos Janacek : Les excrusions de M. Broucek.

Bohulir Vich, Ivo Zidek, Libuse Domaninska, Premysl Koci, Karel Berman, Helena Tattermuschova

Choeur et orchestre de l'Opéra national de Prague, dir. Vaclav Neumann

Supraphon, enregistré du 9 avril au 30 mai 1962

 

 

 

En 2019 : Ernst Haefliger et Kim Borg, double hommage

 

Tous les deux sont nés en 1919. Le premier, ténor suisse, est né à Davis le 6 juillet 1919, le second est né la même année un mois plus tard, le 7 août, à Helsinki.

Ils s'illustrent chacun aussi bien dans la mélodie ou Lied que dans l'opéra et dans la musique vocale sacrée.

 

Ernst Haefliger est resté d'abord comme l'un des grands spécialistes de la partie de l'évangéliste dans les passions de JS Bach, mais il a également mené une carrière à l'opéra, Mozart en particulier. 

Kim Borg a beaucoup abordé le répertoire russe, laissant au disque de superbes incarnations du rôle de Pimène dans Boris Godounov. Mais il a aussi au cours de sa carrière largement incarné le rôle titre. 

 

Tous les deux disposent de somptueux timbres et leur chant est constamment empreint d'une très grande noblesse de ton avec une ligne vocale extrêmement soignée. 

Mais ils sont également tous les deux très attentifs au texte et font passer des grandes émotions. C'est aussi pour cela qu'ils sont tous deux d'exceptionnels interprètes de Lieder et mélodies.

 

Ils vont d'ailleurs se retrouver en studio à quelques reprises participant à quelques enregistrements historiques : messe de Bruckner sous la direction d'Eugen Jochum, le requiem de Dvorak dirigé par Karel Ancerl, le Stabat mater de Rossini dirigé par Ferenc Fricsay. Ils vont également participer à des extraits d'opéras en allemand, tels le Barbier de Séville ou Faust de Gounod.

 

En cette année marquant le centenaire de leur naissance, on pourra réécouter leur rencontre dans l'enregistrement légendaire de La flûte enchantée effectuée par Ferenc Fricsay en 1954. Ernst Haefliger incarne un Tamino lumineux, sensible et noble. Kim Borg lui apporte la réplique dans le rôle de l'Orateur. Cette scène, qui a été incarnée par les plus grands trouve ici l'un de ses plus belles incarnations.

 

On peut aussi retrouver Kim Borg dans les deux airs de Sarastro, d'une profondeur et d'une poésie supérieures inégalables.

 

Ces deux immenses chanteurs n'ont pas gardé la célébrité à la hauteur de leur art. Le magazine britannique Opera a rendu malgré tout un rapide hommage à Kim Borg dans son numéro du mois d'août de cette même année. 

 

Mozart : La flûte enchantée. Rita Streich, MAria Stader, Ernts Haefliger, Josef Greindl, Dietrich Fischer-Dieskau, Kim Borg, Rias Orchester, dir. Ferenc Fricsay.

Enregistré en juin 1954 à la Jesus Christus Kirche à Berlin. Deutsche Grammophon

 

 

En 2018 : Leonard Bernstein, double hommage

 

Compositeur, chef d'orchestre et pianiste américain charismatique, Leonard Bernstein demeure l'une des figures musicales les plus célèbres et importantes du 20e siècle, notamment avec sa composition de West Side Story. Son répertoire comme musicien était très vaste et il a laissé un nombre d'enregistrements tout aussi important.

 

En hommage à l'anniversaire de sa naissance, le 25 août 1918, dans le Massachusetts, c'est vers son enregistrement du tout aussi célèbre requiem de Mozart que l'on se propose de retourner.

 

En 1988, il donne en concert ce requiem avec l'orchestre de la radio bavaroise, en hommage à son épouse décédée, l'actrice Felicia Montealegre. L'enregistrement est ensuite publié par sa maison de disque Deutsche Grammophon, avec sur la pochette une photographie de sa femme, dans un rôle de Sainte Jeanne.

 

Cette version est à la fois atypique et caractéristique de la personnalité hors norme de Bernstein, assez éloignée des tentatives d'Harnoncourt ou Kuijken à la même période, sur instruments d'époque et avec des effectifs allégés.

 

Mais il transporte l'auditeur dans un monde empli d'émotion et de ferveur, auquel on ne peut résister. Par exemple le fameux Lacrymosa est pris dans un tempo d'une lenteur qu'aucun autre chef n'oserait. Et pourtant le chef nous emmène dans un au-delà lumineux et grandiose, transcendant.

 

Sa direction déborde ainsi de toutes les émotions successives, de la torpeur à la plus grande sérénité, en passant par des moments d'une immense poésie. Tout cela dépasse les courants d'interprétation, n'étant ni historique ni post romantique. Pour cela il ose pousser les phrasés et les tempos dans tous les excès, avec une grandeur permanente. Mais il n'y a jamais de sentiment de lourdeur dans les phrases ou les sonorités.

 

Une version totalement originale, totalement surprenante, au sens où elle est captivante.

 

Voilà ici l'un des témoignages les plus forts et transportant de Bernstein, dans cette rencontre de deux génies.

 

La réécoute de ce disque est ainsi un double hommage aux époux Bernstein qui ne peut laisser indifférent.

 

 

Marie McLaughlin, soprano - Maria Ewing, mezzo - Jerry Hadley, ténor - Cornelius Hauptmann, basse

Chœur et orchestre de la radio bavaroise

Enregistré live le 6 juillet 1988, Eglise de Diessen am Ammersee (Bavière)