Voici quelques immenses sopranos qui ont marqué leur répertoire et l'histoire du chant.

Certaines artistes qui se produisent aujourd'hui pourraient bien sûr y être utilement ajoutées, parmi lesquelles Renée Fleming, Angela Gheorgiu, Anja Harteros, Anna Netrebko, Jessica Pratt ou Sondra Radvanovsky ... sans oublier d'autres grandes artistes du passé dont la liste serait longue depuis Nellie Melba jusqu'à Cheryl Studer et Karita Mattila.

 

 


Maria Callas

Soprano gréco-américaine (02.12.1923 - 16.09.1977)

Née à New-York, dans la famille grecque Kalogeropoulos, (son véritable nom), qui venait d'arriver cette année 1923 aux Etats-Unis, elle est devenue la plus grande star lyrique du 20e siècle. Elle prend en 1933 ses premières leçons de chant et sa mère l'initie à l'opéra, en lui faisant écouter de disques de Rosa Ponselle. Elle part avec sa mère vivre à Athènes en 1937 et, suite à une audition par la basse Nicola Moscona (qui a fait carrière aux Etats-Unis dans les années 1940 1950), elle entre au conservatoire national. Elle se produit en 1939 notamment dans Cavalliera rusticana, dans le cadre de spectacles montés par le conservatoire. Sa mère l'inscrit ensuite, à l'autre conservatoire, le Conservatoire d'Athènes. C'est là qu'elle reçoit les leçons de la soprano Elvira de Hidalgo. Puis en 1941, elle effectue ses vrais débuts comme chanteuse professionnelle avec un premier rôle, dans Boccacio de Von Suppé, au théâtre royal de la ville. Elle y aborde en 1942 le rôle de Tosca, dont elle restera l'une des plus célèbres et grandes interprètes. Après plusieurs apparitions en Grèce, elle repart en 1945 pour les Etats-Unis, où elle ne parvient pas à poursuive sa carrière comme elle le souhaiterait. Elle se produit alors, soutenue par l'ancien ténor Giovanni Zenatello, aux arènes de Vérone, dans La Gioconda de Ponchielli, sous la direction de Tullio Serafin, qui va lui apporter son soutien pour la suite de sa carrière. Elle aborde divers ouvrages de l'opéra italien ainsi que de Wagner. Elle triomphe à Naples dans Nabucco en 1949 puis débute à la Scala de Milan l'année suivante dans Aida.  Elle va enchaîner les succès tout au long des années 1950, principalement en Europe, avec une relative interruption en 1954 pour mener un régime drastique. Elle contribue à réhabiliter le répertoire bel canto, avec Les puritains ou La somnanbule de Bellini, Anna Bolena de Donizetti, Armide de Rossini, Medea de Cherubini, encore Poliuto de Donizetti en 1960 . Dans le courant des années 1960, la voix perd en souplesse et le timbre se durcit. Elle fait une dernière tournée en 1973, avec Giuseppe di Stefano, l'un de ses partenaires à la scène les plus réguliers, tournée très mal reçue par la critique de l'époque. Elle se retire à Paris où elle décède en 1977, dans un certain isolement. Parmi les rôles qui auront marqué sa carrière et qu'elle aura également fortement marqué, on trouve  La Traviata de Verdi, dont les séries de représentation à Milan en 1955 et 1956, dans une mise en scène de Visconti, resteront parmi les plus légendaires dans l'histoire de l'opéra. Mais ce sont également Norma de Bellini, Tosca de Puccini et Lucia di Lammermoor de Donizetti qui sont très fortement associé à sa carrière et à son nom. Ses qualités vocales hors norme et ses talents exceptionnels d'actrice apparaissent tout particulièrement à travers ces héroïnes. La célébrité de Maria Callas est d'abord due à son influence sur la façon d'aborder l'opéra, en donnant une importance nouvelle à la dimension théâtrale et dramatique. Sa célébrité est également due à des dons vocaux extraordinaires, avec une voix souple, très étendue, riche de timbre et immédiatement reconnaissable. Enfin, l'exposition médiatique de sa vie privée, rare à l'époque pour le monde lyrique, a également contribuer à créer un personnage puis une légende. De ce fait tout a été dit et écrit tant sur la personne que sur l'artiste, avec de nombreuses biographies et jusqu'aux expositions organisées à l'occasion des 40 ans de sa disparition.

Pour l'écouter, les enregistrements live et studio ne manquent pas, avec une grande partie facilement disponible et superbement remasterisée tout récemment par Warner, à partir des bandes originales de la firme EMI ou des meilleures copies existantes. Les témoignages les plus incontournables sont l'enregistrement studio historique de Tosca en 1953, sous la direction de Victor de Sabata, La Traviata en live à Milan en 1955, dirigée par Carlo Maria Giulini, Lucia di Lammermor en live à Berlin en 1955 sous la direction de Karajan, et Norma en live à Covent Garden en 1952 dirigée par Vittorio Gui. Mais il faut aussi l'écouter dans Aida, tout particulièrement à Mexico en 1950, où elle est totalement renversante. Parmi ses nombreux récitals, ceux effectués à la fin de l'été 1954, avec Tullio Serafin, intitulés Maria Meneghini Callas sings Operatic arias et Héroines de Puccini, permet de l'entendre avec une voix à son sommet, une palette stylistique, de couleur et émotionnelle qui ont fait la légende Callas.

A l'occasion du centenaire de la naissance de la chanteuse, un musée Callas a été inauguré à Athènes en octobre 2023.

 

 

Lisa Della Casa

Soprano suisse (02.02.1919 - 10.12.2012)

Née d'un père italo-suisse et d'une mère munichoise, elle aurait été, enfant, amenée par son père voir Salomé à l'Opéra, ce qui lui aurait donné l'envie d'être chanteuse d'opéra. Elle étudie pendant 8 années le chant au conservatoire de Zürich et débute dans le rôle titre de Madame Butterfly de Puccini en 1941, à Solothurn-Biel (Soleure), puis à au théâtre municipal de Zürich, en 1943. Elle y chante régulièrement jusqu'en 1950, avec des rôles allant du mezzo à la soprano colorature, et des rôles tels Dorabella dans Cosi fan tutte de Mozart, La reine de la nuit dans La Flûte enchantée, Gilda dans Rigoletto de Verdi ou Zdenka dans Arabella de R.Strauss. aux côtés de la soprano Maria Cebotari. Cette dernière l'amène à participer au festival de Salzbourg de 1947 dans ce même rôle, aux côtés de la soprano Maria Reining, de la basse Hans Hotter et du chef Karl Böhm. Elle rejoint la troupe de l'opéra de Vienne la même année, y débutant avec le rôle de Nedda dans Pagliacci de Leoncavallo. Elle fait alors ses débuts successivement sur toutes les grandes scènes internationales : La Scala de Milan en 1949, au festival de Glyndebourne en 1951, au Festival de Bayreuth en 1952, au Metropolitan Opera de New York en 1953 ... Elle incarne régulièrement les grands rôles de Richard Strauss et Mozart, mais apparaît également dans le répertoire italien de Verdi et Puccini, ou dans des créations mondiales, tel Le procès de G.von Einem. Elle se retire de la scène en 1974, essentiellement pour raisons familiales, dans la plus grande discrétion jusqu'à don décès en 2012.

Disposant d'une voix exceptionnellement belle, à la fois lumineuse et ronde,  parfaitement égale sur toute son étendue et capable de conduire des aigus pianos sur le souffle  particulièrement aériens, son nom et sa carrière restent marqués par de grands rôles mozartiens et straussiens : en particulier Donna Elvira dans Don Giovanni, La Comtesse dans Les noces de Figaro de Mozart, La Maréchale dans Le chevalier à la rose et Arabella de R.Strauss. Elle a également été une grande interprète de Lieder dont elle laisse quelques enregistrements majeurs en studio.

Au sein des différents témoignages de son art, il y a son incarnation incontournable du rôle titre d'Arabella. Parmi les trois enregistrements, en live à Londres en 1953 dirigée par Rudolf Kempe, en studio avec Georg Solti aux côtés de George London et en live à Munich en 1963, dirigée par Joseph Keilberth, on choisira en priorité cette dernière version, publiée par Deutsche Grammophon. Aux côtés de Dietrich Fischer-Dieskau, elle y est à son sommet et leur duo du 2e acte "und du wirst mein Geliebter sein" est un moment d'une intensité poétique et émotionnelle fabuleuse. Ses interprétations d'Ariane dans Ariane à Naxos, à Salzbourg en 1954 dirigée par Karl Böhm, de Donna Elvira dans Don Giovanni en 1956 et de Chrysothemis dans Elektra à Salzbourg en 1957 aux côtés de Inge Borkh, dirigés par D.Mitropoulos, sont également à écouter pour apprécier la beauté et le charisme de la chanteuse.

Elle a participé de cette époque légendaire du chant viennois des années d'après-guerre et elle reste dans l'histoire de l'opéra pour la qualité unique de sa voix, l'une des plus belles de soprano du 20e siècle, et comme une interprète de rêve d'Arabella.

 

site internet : www.lisasadellacasa.ch

 

 

Leyla Gencer

Soprano turque (10.10.1928 ? - 09.05.2008)

Née d'une mère polonaise et d'un père turc à Ankara (entre 1924 et 1928 selon les sources), elle effectue des études de chant au conservatoire d'Istanboul puis auprès de la célèbre soprano Giannina Arangi-Lombardi et ensuite du baryton Appolo Granforte. Elle débute à Ankara en 1953 avec le rôle de Santuzza dans Cavalliera rusticana de Mascagni, à Naples, puis chante l'année suivante Madame Butterfly de Puccini au San Carlo de la même ville. Elle apparaît pour le première fois à la Scala de Milan en 1957 dans Le dialogue des carmélites de Poulenc.  La même année, elle chante Leonora dans La force du Destin en tournée avec la troupe du théâtre de la Scala, aux côtés de Giuseppe Di Stefano et Cesare Siepi. Elle incarne quelques mois plus tard Lucia di Lammermoor à Trieste, puis en 1958, Anna Bolena de Donizetti la Rai de Milan, sous la direction de Gavazzeni. Elle se lance ainsi dans le répertoire bel canto et en devient la grande figure, sachant aborder et réhabiliter ce répertoire avec une technique particulière et solide, et surtout une énorme personnalité dramatique.

Elle se produit un peu partout dans le monde, abordant régulièrement de nouveaux rôles du bel canto tout en poursuivant divers grands rôles du répertoire italien. Elle aborde Roberto Devereux, Anna Bolena, Poliuto Lucrezia Borgia Maria Stuarda, Caterina Cornaro et même Les martyrs , opéras encore peu joués dans les années 1950 et 1960, ou encore Norma, I puritani, Beatrice di Tenda de Bellini. Elle fait ses adieux à la scène en 1986, à Venise dans La prova di Un'Opera Seria de Francesco Gnecco (opéra créé à Milan en 1805), et se produit encore en concert jusqu'en 1992. Un concours de chant est créé à son nom en 1995 en Turquie. Elle est considérée comme la grande interprète du répertoire bel canto de la première moitié du 19e siècle, mais elle a également laissé des interprétations mémorables dans plusieurs grands opéras de Verdi (Rigoletto, Macbeth, Simon Boccanegra, Un bal masqué, La force du destin, Aida, Le trouvère ...). Elle a abordé en tout plus de 70 rôles différents, comprenant, outre Verdi et Donizetti, Mozart (Don Giovanni, Idomeneo, L'enlèvement au sérail, Les noces de Figaro), Spontini (La Vestale), Cherubini (Medea), Tchaikovsky (La dame de Pique), Cilea (Adriana Lecouvreur), Rossini (Elisabetta), Puccini (Tosca, Madame Butterfly) etc ... 

Elle a été qualifiée de "Reine ou fiancée des Pirates" par la presse, n'ayant jamais voulu effectuer d'enregistrement en studio (excepté un unique récital pour la firme Cetra dans les années 1950) et bénéficiant à l'inverse d'un très grand nombre d'enregistrements live "pirate". On peut ainsi aisément l'entendre dans la plupart de rôles qui ont jalonné sa carrière, mais dans des conditions sonores parfois très médiocre.

Elle disposait d'un timbre très spécifique, riche et légèrement rauque, avec des aigus fulgurants. Sa technique lui permet d'effectuer les aigus les plus pianos sans détimbrer la voix mais avec très peu de vibrato, mettant le chant comme en suspens, avec un souffle inouï. Sa très forte personnalité rend chacune de ses incarnations fascinante.

Chaque témoignage est captivant, mais on écoutera en particulier son récital donné à Milan en 1958, dans le cadre des séries de Concert Martini & Rossi organisés dans ces années 1950. Elle y interprète l'air de Suor Angelica "Senza mamma" de façon absolument exceptionnelle. Et pour l'écouter dans son répertoire de prédilection, on retiendra pour commencer Maria Stuarda à Florence en 1967, Roberto Devereux à Naples en 1964 et I puritani à Buenos Aires en 1961. Dans le grand ensemble qui clôt la première partie de cet opéra, elle y est vraiment époustouflante. Il ne faut pas se priver non plus de ses apparitions dans Verdi (La Battaglia di Legnano à Florence en 1959, La force du destin à Cologne en 1957, Macbeth à Venise en 1968 en particulier). Enfin, la version filmée d'Aida de Verdi aux Arènes de Vérone en 1966, aux côtés de Carlo Bergonzi, permet, outre l'exceptionnelle interprétation vocale, de prendre également la mesure de sa très forte présence scénique, malgré l'immensité du lieu.

A l'occasion des 10 ans de sa disparition en 2018, le Théâtre la Scala de Milan lui a rendu hommage.

 

 

Elisabeth Grümmer

Soprano allemande (31.03.1911 - 06.11.1986)

Née en Alsace, elle s'installe avec sa famille à Meiningen, en Thuringe, après la défaite allemande, ville où elle étudie le piano, chante et le théâtre, chante dans une chorale puis aborde plusieurs rôles à l'opéra, sans davantage de formation au chant. Elle part à Aix la Chapelle, pour y suivre son mari, Detlev Grümmer, violoniste professionnel, appelé comme Premier violon solo à l'orchestre de l'opéra. Elle suit alors des cours de chant et, remarquée par Karajan, alors directeur général de la musique, elle  y fait ses débuts dans le rôle d'une fille-fleur dans Parsifal de Wagner, puis enchaîne avec divers rôles plus importants. Elle intègre en 1942 la troupe de l'opéra de Duisbourg. Son mari décède sous les bombardements en 1944. Elle arrête s carrière et travaille comme employée des postes  jusqu'en 1946. Mais elle reprend finalement sa carrière de chanteuse, après avoir repris des cours de perfectionnement, dans le rôle de Marenka, dans La fiancée vendue de Smetana, à l'opéra de Berlin. Sa carrière prend rapidement une dimension internationale ; elle se produit dès 1951 à l'opéra Covent Garden de Londres, à la Scala de Milan et intègre la troupe de l'Opéra de Vienne en 1952. Elle participe à différentes reprises au festival de Salzbourg à compter de 1953 dans Don Giovanni, La flûte enchantée, Idomeneo de Mozart ou Der Freichütz de Weber. Elle est également présente au Festival de Bayreuth, y incarnant une émouvante Elsa dans Lohengrin, Eva dans les Maîtres chanteurs de Nuremberg au tout début des années 1960 ou encore Gutrune et Freia dans la Tétralogie. Le met l'invite tardivement, en 1967, pour y chanter Elsa dans Lohengrin. Elle se retire de la scène en 1972, après une dernière série de représentation du Chevalier à la rose de Richard Strauss, dans le rôle de La Maréchale, l'opéra de Berlin. Elle continuera d'enseigner à Berlin, Hambourg ou Paris.

Sa carrière restera essentiellement orientée vers le répertoire allemand, avec en particulier Mozart, R.Strauss et R.Wagner. Elle disposait d'un timbre lumineux et rayonnant, pur, d'une grande finesse voire fragilité dans les intonations. De son chant émane une intense émotion reposant sur un sentiment de pureté et de bonté particulièrement adaptées aux  œuvres religieuses dans lesquelles elle a pu apparaître.Elle aura marqué quelques rôles comme celui d'Agathe dans Der Freichütz, rôle dans lequel il faut l'écouter en priorité, soit dans l'enregistrement studio effectué avec J.Kelberth en 1958, soit en live à Salzbourg en 1954, sous la direction de W.Furtwängler. Dans l'air du 3e acte, elle offre un mélange de luminosité, d'émotion et de fragilité, avec des nuances pianos, tout à fait reversant, la rendant inégalable dans le rôle.  Des trois grands rôles wagnériens qu'elle a chanté, le témoignage de son Elsa dans Lohengrin à  Bayreuth en 1959 sous la direction de Matacic et celui d'Elisabeth dans Tannhäuser en studio dirigé par Konwitschny en 1960 à la Staatsoper de Berlin, sont tout à fait magnifiques. Enfin, Grümmer fut une immense mozartienne. On ne résistera pas au plaisir d'écouter son interprétation de Donna Anna dans Don Giovanni à Salzbourg, dans le live de 1954 dirigé par W.Furwängler. Elle propose un personnage à la fois d'une grande noblesse et désemparée, avec un chant sublime et soigné, d'une forte intensité.

Grümmer demeure l'une des grandes figures du répertoire germanique d'après-guerre, avec un timbre d'une luminosité exceptionnelle, digne héritière de l'immense Tiana Lemnitz dont elle retrouve certaines qualités.

 

 

Gwyneth Jones

Soprano anglaise (Née le 07.11.1936)

Née dans une modeste famille du Pays de Galle, après avoir perdu successivement ses deux parents, elle obtient une bourse pour aller étudier le chant au Royal College of Music de Londres. Elle poursuit son apprentissage en Italie, à l'Accademia musicale Chigiana de Sienne puis en Suisse. Elle débute finalement, comme mezzo-soprano, en 1962, dans Orphée et Eurydice de Gluck et est engagée dans la troupe de l'opéra de Zürich pour la saison 1962 - 1963. Poussée par plusieurs personnes dont le chef Nello Santi, elle travaille sa voix pour évoluer vers le registre de soprano. Elle débute ainsi en 1964 dans Amelia d'Un bal masqué de Verdi à l'opéra Covent Garden de Londres. Puis elle triomphe dans le rôle de Sieglinde dans Die Walküre de Wagner, en 1965 toujours à Londres. Elle est ensuite régulièrement invitée au festival de Bayreuth à compter de 1966, marquant définitivement sa carrière autour des grands rôles wagnériens, même si elle continue à aborder divers autres grands rôles comme tel Desdemona dans Otello de Verdi, Tosca de Puccini, la Maréchale dans Le chevalier à la rose ou Salomé de Richard Strauss. Sa carrière internationale est déjà très affirmée lorsqu'elle est choisie pour incarner Brünnhilde dans la Tétralogie montée à Bayreuth entre 1976 et 1980, dans la mise en scène de Patrice Chéreau et sous la direction de Pierre Boulez avec lequel elle avait déjà chanté Kundry dans Parsifal précédemment, au même Festival de Bayreuth. C'est la consécration absolue, la chanteuse démontrant alors un jeu d'une intensité extraordinaire, dominant largement toute la distribution de l'époque. Elle ne reviendra plus ensuite à Bayreuth, sinon comme spectatrice occasionnelle. Elle va encore évoluer vers les autres rôles les plus lourds du répertoire, tels Turandot dans l'opéra de Puccini ou Isolde, dans Tristan et Isolde de Wagner. Elle continuera également d'incarner Salomé jusqu'au milieu des années 1990, notamment à l'occasion de la tournée d'adieu de Leonie Rysanek. Elle donne de multiples récitals, dont des soirées consacrées à la mélodie française comme au Lied germanique, souvent complété de l'air de Tosca "Vissi d'arte" parmi les nombreux bis qu'elle accorde généreusement. L'ultime grand moment lyrique de sa très grande carrière est sans doute son incarnation d'une Elektra sidérante, alliant une puissance sonore hors norme avec une intensité dramatique absolument époustouflante et sans commune mesure avec les titulaires plus récentes de ce rôle, remplissant comme aucune autre un espace comme le théâtre d'Orange par sa voix comme par sa présence.

Dans les années 2000 elle se retire peu à peu de la scène, malgré quelques apparitions, effectuant surtout des master classes et quelques tentatives de mise en scène. Enfin, elle apparaît dans le film de Dustin Hoffman, Quartet, et qui se situe dans une maison de retraite pour artistes. Le film se termine par son interprétation, une nouvelle fois, de l'air Vissi d'arte dans Tosca.

Reconnue unanimement pour ses qualités exceptionnelles d'actrice, elle a néanmoins souvent dû travailler sa voix tout au long de sa carrière pour corriger un vibrato parfois important et gérer l'évolution de sa voix pour affronter, de façon géniale, les rôles les plus exigeants. Sa voix n'étant pas nécessairement la plus phonogénique, les enregistrements traduisent assez mal l'impact extraordinaire qu'avait cette voix sur scène.

Pour apprécier au mieux les différentes facettes de la chanteuse, on peut écouter sa très belle Leonore dans l'enregistrement de Fidelio réalisé sous la direction de Karl Böhm en studio à la fin des années 1960, sa Kundry, enregistrée en live par Deutsche Grammophon à Bayreuth sous la direction de Pierre Boulez en 1970, et Salomé en live à Hambourg en 1971. Mais il faut surtout la voir et l'entendre dans Brünnhilde à Bayreuth dans la mise en scène de Chéreau, largement publiée en video, et dans Elektra, live à Orange en 1991, visible sur Youtube, ou en version audio, enregistrée à Genève en 1990, dans les deux cas face à Leonie Rysanek dans Kytemnestre.

Gwyneth Jones, artiste aussi immense que modeste, a été l'incarnation de ce qu'on appelle un monstre sacré de l'opéra et l'une des plus grandes interprètes de Wagner et R.Strauss de tout le 20e siècle.

 

 

Raina Kabaivanska

Soprano bulgare (Née le 15.12.1934)

Après avoir suit une formation à à l'académie de musique de Sofia, elle débute dans cette ville en 1957 dans le rôle de Tatiana d'Eugène Oneguine de Tchaikovsky. Elle se perfectionne en Italie et apparaît en 1959 à Vercelli et Fano dans Giorgetta d' Il Tabarro de Puccini et Nedda dans Pagliacci de Leoncavallo. Elle se produit encore à Sofia et en ex-URSS avant d'entamer réellement sa grande carrière, avec ses débuts à la Scala de Milan en 1961 dans une œuvre de Malipiero, puis en 1962 dans Desdemona aux côtés de Jon Vickers dans Otello de Verdi au Covent Garden à Londres.

Elle mène alors une carrière internationale qui la mène aussi bien aux Etat Unis, à Paris, à Vienne ou au festival de Salzbourg. C'est cependant en Italie qu'elle se produit le plus souvent, abordant un vaste répertoire de Gluck à Britten. Elle mène une carrière exceptionnellement longue comme soprano, menée avec une très grande rigueur, peu médiatisée bien qu'elle ait participé à des événements importants : Le trouvère avec Domingo et dirigé par Karajan, retransmis sur toutes les chaînes de télévision à la fin des années 70 depuis l'opéra de Vienne, ou encore le film opéra Tosca, à nouveau avec Domingo sur les lieux mêmes du livret à Rome. Elle remporte tout au long de sa carrière de nombreux prix, depuis le prix Bellini en 1965 à l'Oscar 2013 de l'International Opera awards. Elle est faite Grand officier du mérite de la république italienne en 2000.

Si son répertoire est vaste, outre quelques incarnations saisissantes du répertoire bel cantiste, c'est dans Puccini et l'école italienne du début du 20e siècle qu'elle restera tout particulièrement inoubliable, se plaçant dans la ligne directe des grandes sopranos italiennes Claudia Muzio et Magda Olivero. Sur scène, elle dégageait une présence et une noblesse particulièrement captivantes. Sa technique exceptionnelle lui a permis d'aborder ses grands rôles (Tosca, Madame Butterfly, Adrianna Lecouvreur, Leonora dans Le trouvère etc ...) avec un raffinement et un engagement fabuleux qui en font l'une des grandes figures lyriques italiennes du 20e siècle.

Depuis son retrait de la scène, elle est très investie dans la formation de jeunes chanteurs, non seulement pas de nombreuses master classes, mais aussi par la création d'une école et la constitution en 2002 d'un fond auprès de l'université de Bulgarie.

Raina Kabaivanska n'avait pas nécessairement une voix phonogénique et les live apporteront une image plus fidèle de sa voix, marquée par une vibrato serré particulier et un superbe timbre. Pour autant, on peut mesurer le magnétisme de cette voix en l'écoutant dans ses récitals, avec" Vissi d'arte" dans Tosca, l'air du 3e acte du Trouvère "D'amor sull'ali rosee" et l'air de la Rondine "Che il bel sogno di Doretta", air auquel elle donne une dimension aérienne absolument unique.

 

site internet  www.rainakabaivanska.net

 

 

Lotte Lehmann

Soprano allemande (27.02.1888 - 26.08.1976)

Elle étudie le chant avec plusieurs professeurs à Berlin, notamment à l'école de chant de Mathilde Mallinger, la créatrice du rôle d'Eva des Maîtres chanteurs de Nuremberg de Wagner. Elle effectue ses débuts à l'opéra de Hambourg en 1910 dans le rôle d'un page dans Lohengrin de Wagner. Après avoir enchaîné de nombreux petits rôles, elle fait ses grands débuts cette fois-ci dans le rôle d'Elsa, à nouveau dans Lohengrin, en 1914.  En 1916, elle entame sa carrière à l'opéra de Vienne où elle va faire carrière jusqu'en 1937 et participe alors à la création mondiale d'Ariane à Naxos de R.Strauss (dans le rôle du compositeur), ou à plusieurs premières viennoise, avec La femme sans ombre, Intermezzo, Arabella, ou encore Turandot, Suor Angelica de Puccini. Elle y incarne ses autres grands rôles, la Maréchale dans Le chevalier à la rose, Leonore dans Fidelio, Eisabeth dans Tannhäuser et surtout Sieglinde dans La Walkyrie, dont elle effectue un enregistrement mythique du premier acte sous la direction de Bruno Walter en 1935.  Elle émigre aux Etats-Unis en 1937 pour fuir le régime nazi et poursuite sa carrière au Metropolitan opera de New-York où elle avait déjà fait des débuts en 1934. Elle s'y produit dans ses grands rôles jusqu'en 1945, faisant ses adieux à la scène  le 1er novembre 1946 dans le rôle de la Maréchale à Los Angeles. Elle donne les années suivantes des séries de récitals et soirées de Lieder puis met fin définitivement à sa carrière de chanteuse en 1951.

Elle donne ensuite des master classes et des cours de chant et se lance même dans la peinture. Elle

laisse par ailleurs un legs discographique très important avec environ 500 enregistrements réalisés entre 1914 et 1949.

Lotte Lehmann a en effet été l'un des figures les plus importantes du monde lyrique du 20e siècle et son immense notoriété l'a amené à se produire sur les grandes scènes internationales et effectuer des enregistrements restés depuis dans la légende.

Au sein de cette abondante discographie, on ne manquera pas son incarnation de référence de Sieglinde, dans cet enregistrement historique de 1935 dirigé par Bruno Walter pour le 1er acte, ou en intégrale en live à New-York en 1940, avec les autres légendes wagnériennes que sont Lauritz Melchior, Friedrich Schorr, Marjorie Lawrence et Kerstin Thorborg. Et puis une autre facette de son charisme apparaît pleinement dans l'air plus rare, d'une intensité émotionnelle extraordinaire, de l'opéra Le songe d'Heliane de Korngold à l'acte 2, enregistré en 1928. Sans oublier l'enregistrement du chevalier à la rose avec Elisabeth Schumann et Emmanuel List datant de 1933, on écoutera avec bonheur ses enregistrements de Lieder où son timbre caractéristique et le naturel avec lequel elle les chante émeuvent, tels ses merveilleux Wesendonck Lieder enregistrés en 1941.

 

sites internet : Lotte Lehmann Akademie & Lotte Lehmann League

 

Tiana Lemnitz

Soprano allemande (26.10.1897 - 05.02.1994)

Elle naît à Metz, alors allemande, fille d'un chef d'orchestre militaire alsacien et d'une mère qui va la porter vers le chant. Après de premières leçons particulières de chant auprès d'Olga Karpinski elle poursuit sa formation à Strasbourg, puis après 1918, à Francfort. Elle fait ses débuts sur scène à Heilbronn, en 1921 (ou 1920 ?) dans le rôle titre Undine de Lortzing. Au cours des années qui suivent, à l'Opéra d'Aix la Chapelle, elle doit accepter de multiples petits rôles de mezzo-soprano. Son premier succès vient avec son incarnation de Chérubin dans Les noces de Figaro de Mozart en 1923, lui ouvrant sa carrière vers tous les rôles de soprano qui vont marquer sa carrière. En 19929, elle quitte Aix la Chapelle pour l'opéra d'Hannovre, marquant une étape décisive dans sa carrière. Là elle étend encore son répertoire et sa réputation devient internationale. Ainsi, Richard Strauss la voulut pour la création du rôle d'Arabella, même si cela ne put se faire pour des raisons obscures liées au contexte politique de l'année 1933 en Allemagne. Elle quitte Hannovre en 1934 pour la Staatsoper de Berlin où elle mènera désormais sa carrière jusqu'après la fin de la guerre. Elle fait ses adieux à la scène au printemps 1955 dans le rôle de La maréchale dans Le chevalier à la rose de R.Strauss, et met fin définitivement à sa carrière après un dernier récital de Lieder en 1957.

Le répertoire de la chanteuse est largement marqué par les grands rôles mozartiens, de R.Strauss, et de soprano lyrique wagnériens. Elle a néanmoins abordé le répertoire italien avec des rôles comme Aida ou Leonora dans le Trouvère. Elle a gravé divers airs d'opéra et incarné une légendaire Pamina dans La flûte enchantée enregistré en 1937, sous la direction de Sir Thomas Beecham et aux côtés de l'extraordinaire ténor Helge Roswaenge.

Chacun de ces témoignages est pur moment de grâce et d'émotion, grâce à la clarté de la voix, la souplesse et la conduite exceptionnelle de la ligne de chant, des aigus radieux.

Son enregistrement du rôle de Pamina demeure encore aujourd'hui insurpassé, malgré les merveilleuses incarnations de Seefried, Stich-Randall ou Janowitz.

Dans tous ses rôles, on est subjugué par la rondeur et la richesse incroyable du timbre, par le souffle, par son chant chargé d'une émotion, d'une noblesse, d'une fragilité rares. 

L'un des autres grands moments qui nous reste de cette sublime soprano est son duo du 3e acte de Lohengrin, aux côtés de Franz Volker. Les deux chanteurs atteignent des sommets de splendeur vocale, de fluidité dans la conduite des phrases, dans la subtilité des nuances et dans l'attention portée aux mots. On assiste ici à du très grand art et, si on veut bien faire abstraction du contexte, un moment unique dans l'histoire de l'opéra.

 

 

Zinka Milanov

Soprano croate (17.05.1906 - 30.05.1989)

Elle est la huitième des neufs enfants du couple Kunc. A 15 ans elle entre à l'Académie de musique de Zagreb. Elle y étudie notamment le chant auprès de Milka Ternina, très grande soprano wagnérienne de la fin du 19e et début du 20e siècle. Elle y étudie longuement le rôle de Leonora dans Le Trouvère de Verdi et débute dans ce rôle en 1927, en croate. Elle aborde durant les neuf années qui suivent les grands rôles du répertoire italien et allemand, toujours en croate : Madame Butterfly, Gioconda, Turandot, Andrea Chénier, Lohengrin, La Walkyrie, Tannhäuser, Un bal masqué, Le Chevalier à la rose ...

Après ces années à Zagreb, elle apparaît dans la Tchécoslovaquie de l'époque, notamment à Prague, puis débute dans Aida à Vienne sous la direction de Bruno Walter qui la recommande à Arturo Toscanini. Ce dernier lui fait passer une audition et la retient pour le Requiem de Verdi qu'il donné à Salzbourg en 1937, puis à Londres en 1938 (dont il reste un enregistrement exceptionnel). Elle est également auditionnée en 1937 pour le Metropolitan Opera de New York qui lui offre immédiatement un contrat. A la même époque, en juillet 1937, elle se marie avec un acteur serbe, Perdrag Markovic, dont le nom de scène est Milanov. Elle adopte ce même nom  de scène pour New York où elle devient la grande soprano verdienne des années 1940 et 1950. Elle débute en effet en décembre 1937 dans Leonora du Trouvère de Verdi et se produit sur cette scène jusqu'en 1966, année de ses adieux, abordant pendant 29 saisons ses grands rôles tels Gioconda, Maddalena dans Andrea Chenier, Tosca, Amelia dans Simon Boccanegra et dans Un bal masqué, Norma, Elvira dans Ernani ou encore Leonora dans La force du destin.

Elle reviendra peu en Europe, excepté à la Scala de Milan en 1950 et à Covent Garden en 1956 et 1957, notamment dans une mémorable Tosca aux côtés de Franco Corelli, dont il reste le témoignage discographique.

Hormis quelques airs enregistrés dans les années 1940, c'est au cours de la décennie des années 1950 qu'elle grave une partie des ses grands rôles en studio, aux côtés du grand ténor suédois Jussi Björling : Aida, Le Trouvère, Tosca, Cavalliera rusticana. On l'y entend dans sa maturité, période où la voix dispose de graves présents, toujours capables des aigus les plus doux piano possibles, disposant d'un timbre riche et soyeux. L'incarnation dramatique n'est pas la qualité première de l'artiste et malgré quelques effets parfois datés, la beauté du chant demeure un modèle jusque dans les année 1960 et subjugue toujours l'auditeur.

On appréciera pleinement l'ampleur de la voix, la richesse du timbre et la splendeur de la ligne vocale, il faut écouter quelques live déterminants et reflétant mieux encore les qualités de la chanteuse, tout d'abord sa Gioconda en 1939, aux côtés du ténor Giovanni Martinelli, l'un de ses grands rôles. Sin incarnation d'Amelia dans Un bal masqué se retrouve en 1940 avec Jussi Björling au Met, superbe, mais elle se surpasse en 1944, toujours au Met, sous la direction de Bruno Walter (la bande radio est cependant de très mauvaise qualité). Enfin son interprétation de Leonora dans La force du destin en 1953, à la Nouvelle Orléans, nous la fait entendre encore à son sommet. Elle démontre bien ici qu'elle a été l'une des plus grandes sopranos verdiennes du 20e siècle, au sein de cette lignée unique, présente au Metropolitan Opera de New York, allant de  Rosa Ponselle à Sondra Radvanovsky, et passant par Leontyne Price.  Elles auront su comme nulles autres dans ce répertoire, allier puissance de la projection de la voix, une souplesse exceptionnelle dans la conduite de la ligne de chant, à la pure splendeur du timbre sur l'ensemble de la tessiture.

 

 

 

Birgit Nilsson

Soprano suédoise (17.05.1918 - 25.12.2005)

Sa mère est elle-même chanteuse et l'initie dès l'âge de 3 ans à la pratique musicale. Elle entre à l'Académie royale de musique de Stockholm en 1941 et fait ses débuts à l'opéra royal en 1946, dans le rôle d'Agathe dans Der Freichütz de Weber, remplaçant la chanteuse initialement prévue, et sous la direction de Leo Blech. Elle chante l'année suivante Lady Macbeth dans l'opéra de Verdi, dirigée par Fritz Busch, remportant un succès réel. En 1951, elle apparaît au Festival de Gjynebourne, en Elettra dans Idomeneo de Mozart. A partir de 1954, elle participe au Festival de Bayreuth, avec Elsa dans Lohengrin, puis dès 1957, Sieglinde dans La Walkyrie et Isolde dans Tristan et Isolde. En 1958, elle aborde Turandot à Milan. Sa carrière a désormais pris une dimension internationale, devenant la spécialiste des rôles de soprano les plus lourds du répertoire, jusqu'à la fin des années 1970. Elle incarne Brünnhilde partout dans le monde et très régulièrement à Bayreuth, de même que Turandot, Aida, Salomé, la teinturère dans La femme sans ombre ou encore Elektra. Elle chante également très souvent  au Metropolitan opera de New-York, s'y produisant plus de 200 fois dans 16 rôles différents. Avec Astrid Varnay, également suédoise et née la même année, elles marquent l'histoire du festival de Bayreuth et en particulier le rôle de Brünnhilde, rôle que Birgit Nilsson chante au festival dès 1960. Elle marque d'autant plus ce rôle qu'elle en est l'interprète dans le premier enregistrement intégral réalisé en studio, au début des années 1960, par la firme Decca, sous la direction de Georg Solti.

Elle fait ses adieux à la scène en 1982 mais continue de se produire encore en concert jusqu'en 1984, avant de se retirer définitivement, en Suède jusqu'à son décès à l'âge de 87 ans. Elle a publié ses mémoires en 1977, My memoirs in pictures.  Un musée Birgit Nilsson a été créé à Svenstad en Suède ; un prix a été créé à son nom et en sa mémoire, attribué 3 fois pour l'heure, en 2009 à Placido Domingo, en 2011 à Riccardo Muti et en 2014 à l'Orchestre Philharmonique de Vienne.

Elle disposait d'une voix d'une ampleur inouïe, avec un timbre très clair et tranchant, capable de lancer des aigus fulgurants, faisant les critiques comparer sa voix à une trompette. Elle semblait ne jamais accuser la moindre fatigue dans les rôles les plus difficiles.

Elle a gravé en studio la plupart de ses grands rôles et de nombreux live ont également été publiés plus ou moins officiellement. Ils comprennent quelques incontournables  et références de la discographie vers lesquels on reviendra toujours avec enthousiasme : Turandot en studio ou en live à la Scala de Milan en 1964, les deux fois avec Franco Corelli, Tristan et Isolde à Bayreuth en 1966 avec Wolfgang Windgassen, dirigé par Karl Böhm ou encore Brünnhilde également à Bayreuth dans la Tétralogie dirigée en 1967 par Karl Böhm.  Sa Sieglinde, en live à Bayreuth en 1957 sous la direction de Hans Knappertsbusch, moins connue mais rappelant ses rôles de début, est également exceptionnelle.

 

site internet : birgitnilsson.com

 

 

Magda Olivero

Soprano italienne (25.03.1910 - 08.09.2014)

Née à Saluzzo près de Turin dans une famille passionnée de musique, avec un père ténor amateur, Maria Magdalena, surnommée Magda, est vite attirée par le chant. Après avoir suivi des cours de chant auprès de trois professeurs, ses premières auditions ne sont pas concluantes. Pourant l'un des membres d'un jury et professeur la prend en main et lui fait acquérir la maîtrise du souffle et toute une technique vocale héritée du 19e siècle, qui va lui permettre de faire par la suite une carrière incroyable. Ce professeur, installé à Turin, lui donne également l'occasion de débuter lors d'une retransmission radio, dans une oeuvre d'un compositeur contemporain, Nino Cottozzo, le 2 décembre 1932. Puis en décembre 1933, elle fait ses débuts sur scène, à la Scala de Milan, avec un petit rôle dans Nabucco, aux côté de la soprano Gina Cigna. Elle incarne en 1935 Nanetta dans Falstaff à Turin, puis Gilda dans Rigoletto, Elsa dans Lohengrin en 1937 ou encore Manon de Massenet ou La Bohème de Puccini aux côtés du déjà légendaire ténor Beniamino Gigli. Enfin elle aborde l'un des grands rôles de sa vie, celui d'Adriana Lecouvreur dans l'opéra de Cilea. Le compositeur la considère alors comme l'interprète idéale du rôle. Sa carrière est bien installée lorsqu'elle décide d'y mettre prématurément un terme en 1941, suite à son mariage. Et notamment sur l'insistance de Cilea, elle se décide à finalement reprendre sa carrière de chanteuse lyrique en 1951. Elle aborde alors tous ses grands rôles du répertoire italien de la fin 19e et début 20e siècle, dont elle devient spécialiste. Elle tourne en 1960 Tosca en film opéra, se produit surtout dans tous les théâtres italiens, excepté la Scala de Milan. Elle doit attendre 1975, à 65 ans, pour débuter au Metropolitan de New-York, sur proposition de Marylin Horne, dans l'un de ses autres très grands rôles, celui de Tosca. Elle fait se adieux à l'opéra en 1979, mais continuera de se produire en concert encore dans les années 1980, dépassant les 50 ans de carrière. Elle ira même jusqu'à chanter quelques notes de Francesca da Rimini, lors d'une réception pour ses 99ans.

Ses plus grands rôles restent sans doute Adriana Lecouvreur, Tosca, Minnie dans La Fanciulla del West, Manon dans Manon Lescaut de Puccini, Fedora de Giordano ou encore Medea de Cherubini. Elle n'a fait que deux enregistrements studio d'opéras, la première intégrale au disque de Turandot, en 1938, avec Gina Cigna et Francsco Merli, puis en 1969 Fedora de Giordano, avec Mario del Monaco. Elle enregistre également de larges extraits du rôle d'Adriana Lecouvreur en 1993, pour la firme Bongiovanni, à l'âge de 83 ans ! En revanche de multiples live existent et ce sont ceux-là qui permettent d'apprécier pleinement son époustouflante technique vocale au service d'incarnations dramatiques saisissantes. Enfin la longévité hors normes de sa carrière, comme soprano et avec les mêmes grands rôles reste un cas unique dans l'histoire du chant lyrique. Elle a ainsi pu chanter Adriana Lecouvreur avec trois générations de ténor (Gigli, Corelli et Domingo).

Si sa voix n'avait au départ pas de caractéristiques exceptionnelles, sa projection, sa technique fabuleuse lui permettant de mener des messa di voce dans les aigus encore à plus de 70 ans, et surtout l'intensité de ses interprétations, en ont fait l'une des plus grandes artistes du 20e siècle.

Pour s'en convaincre, on écoutera l'enregistrement live d'Adriana Lecouvreur en 1959 à Naples, où elle remplaçait Tebaldi souffrante, ou dans La fanciulla del West en 1967 à la Fenice de Venise.  Mais peut-être plus encore, il faut écouter l'air Vissi d'arte lors d'un concert à Amsterdam en 1962. Ici, la perfection de la conduite du souffle, la force dramatique sont des modèles et suscitent une émotion intense.  

Une immense artiste, la référence consacrée par le compositeur d'Adriana Lecouvreur.

 

 

Rosa Ponselle

Soprano américaine (22.01.1897 - 25.05.1981)

De son vrai nom, Rosa Melba Ponzillo. Elle naît dans le Connecticut, au sein d'une famille pauvre d'immigrés napolitains. Adolescente, elle chante, avec sa sœur, dans des salles de cinéma, à l'époque du cinéma muet, dont les films des Max Brothers, puis, avec un certain succès, dans des comédies musicales et vaudevilles. En 1918, sa sœur, Carmela, décide de prendre, avec sa sœur, des cours de chant à New York, auprès du professeur William  Thorner. Là, Rosa Ponzillo fait la rencontre inattendue d'Enrico Caruso qui la fait engager par le Metropolitan opera de New-York. Elle se perfectionne auprès de Romano Romani, change son nom de scène et fait ses débuts au Met de New-York le 15 novembre 1918 dans La force du destin de Verdi aux côtés de Caruso, alors légende vivante.

Le succès est immédiat et elle va poursuivre sa carrière essentiellement au Met jusqu'en 1937, avec un répertoire comprenant 22 rôles, largement tourné vers Verdi, mais également composé de Donna Anna dans Don Giovanni de Mozart, Carmen de Bizet, La Vestale de Spontini ou encore La Gioconda de Ponchielli. Le Met refuse de monter pour elle Adriana Lecouvreur de Cilea en 1936. Aussi, après une ultime Carmen en 1937, à Cleveland, elle se retire de la scène. Elle n'a fait que quelques rares apparitions en Europe, à Covent Garden en 1929 -1931 ou au Mai musical florentin en 1933.

Elle se retire à Baltimore puis, outre une activité d'enseignement, dirige un temps l'opéra de cette ville.

Rosa Ponselle a beaucoup enregistré de disques pour l'époque et ce jusqu'en 1954, bien après son retrait de la scène. Dès ses débuts la Compagnie Columbia a voulu la faire enregistrer. Aussi, bénéficie-t-on de gravures d'airs de Verdi, sous la direction de Romano Romani, dès décembre 1918.

Elle reste considérée comme ce qui serait la plus belle voix de l'histoire du chant, ce qui ne se mesure qu'à l'aune des témoignages sonores existants et dans la limite des qualités d'enregistrement de la première moitié du 20e siècle. Mais le fait est que ces enregistrements permettent d'entendre une voix d'une beauté exceptionnelle. Pour le mesurer, on écoutera les extraits de La force du destin qu'elle a enregistré et auquel sa légende reste attachée tout particulièrement. Ainsi le duo de l'acte 2, "Alzattevi e partite ... la vergine degli angeli" à côté d'Ezio Pinza, est un des grands moments de l'histoire du disque et de l'opéra. On entend un timbre pur et somptueux, une voix parfaitement égale du grave à l'aigu, comme aucune autre chanteuse, sans la moindre rupture entre les registres et  avec une ligne vocale d'une très grande souplesse. Enfin, les aigus sont radieux comme solaires et soyeux. Les inflexions dans le chant, l'alternance des nuances au sein de la même phrase arrivent à enchanter l'auditeur d'aujourd'hui, malgré l'altération due à la technique de l'époque. Son enregistrement effectué en décembre 1918 de l'air du Trouvère "D'amor sull'ali rose" permet de se replonger dans la découverte de cette voix à ses débuts au Met : la richesse du timbre, la souplesse de la voix, les nuances infinies et des aigus aériens, un trille d'une perfection absolue en fin d'air.

Au fil de ses disques, on ainsi a l'impression d'assister à un miracle renouvelé à  chaque air et à chaque écoute, que ce soit dans Aida, Norma ou des mélodies. C'est une chance fabuleuse que tant d'airs aient pu être gravés à l'époque, on ne saurait s'en priver aujourd'hui.

 

 

Leontyne Price

Soprano américaine (Née le 10.02.1927)

Née dans le Mississippi, elle participe, enfant, à la chorale de l'église dans sa ville natale, Laurel, et est encouragée par ses parents, dès l'âge de cinq ans à suivre une formation musicale qu'elle poursuivra jusqu'à la Julliard School à New York. Elle y chante, étudiante, le rôle d'Alice dans Falstaff de Verdi. Ses débuts professionnels se déroulent en 1952, à Broadway, dans Four Saint in three acts du compositeur Virgil Thompson. Elle poursuit immédiatement avec Porgy and Bess de George Gershwin. Elle chante pour la télévision américaine, NBC, le rôle de Tosca en 1955 puis aborde son premier rôle d'opéra à la scène, à San Francisco, avec le rôle de Madame Livoine dans Le dialogue des carmélites de Francis Poulenc. C'est en 1961 que vient la consécration mondiale, avec son interprétation de Leonora dans Le Trouvère, aux côtés de Franco Corelli. Elle reprend ce rôle au Festival de Salzbourg en 1962, sous la direction de Karajan, pour des représentations légendaires. Elle se produit un peu partout dans le monde, dans un répertoire assez large, comprenant également des soirées de Lieder. Le rôle qu'elle marque tout particulièrement de son empreinte est celui d'Aida, dans l'opéra de Verdi, rôle avec lequel elle fait ses adieux à la scène  en 1985 au Metropolitan Opera de New-York. C'est là qu'elle a effectué une partie importante de sa carrière, avec 200 représentations dans 16 rôles différents, durant 24 années.

Depuis son retrait de la scène, elle donne des master classes et se produit exceptionnellement en 2001, lors d'un concert hommage aux victimes des attentats du World Trade Center.

Sa célébrité est d'abord due à la qualité unique de sa voix, considérée comme la plus belle du 20e siècle, avec celle de Rosa Ponselle. Son timbre est en effet d'une richesse et d'une somptuosité uniques. Son legato présente également une incroyable fluidité et son chant est souvent qualifié de sensuel voire "torride". Elle a incarné la soprano verdienne de référence, dans Leonora du Trouvère comme de La force du Destin, dans Amelia d'Un bal masqué et avant tout Aida. Elle a également été une grande interprète de Puccini, laissant des témoignages exceptionnels dans Tosca ou Madame Butterfly.

Elle aura également été une icône, première chanteuse noire américaine à être véritablement reconnue pour ses qualités artistiques à sa juste valeur, davantage que Marian Anderson. Elle incarne un symbole de la lutte contre les discriminations, particulièrement fortes aux Etats-Unis dans ces années 1960.

Elle laisse plusieurs enregistrements mettant en valeur la splendeur opulente de cette voix, en outre particulièrement phonogénique. On peut commencer par l'écouter dans l'un de ses deux célèbres enregistrements studio d'Aida (le premier avec Jon Vickers et dirigé par Solti pour Decca, le second avec Placido Domingo et dirigé par Leinsdorf chez RCA). Le live du Trouvère à Salzbourg en 1962 a été largement édité et est une référence absolue, mais le témoignage de ses débuts au Met en 1961 avec Franco Corelli (réédité par Sony et le Met) est également superbe.

 

 

Leonie Rysanek

Soprano autrichienne (14.11.1926 - 7.03.1998)

Sous l'influence de son frère aîné, elle se lance dans des études de chant à l'Académie de Vienne à l'âge de 16 ans, successivement avec Alfred Jerger puis Rudolf Grossmann, qui deviendra son premier mari. Elle débute à Innsbruck, en 1949, avec le rôle d'Agathe dans Der Freichütz de Weber et intègre la troupe de l'opéra de Sarrebruck de 1950 à 1952. Sa carrière prend très vite une grande ampleur avec sa participation à la réouverture du Festival de Bayreuth en 1951, où elle chante le rôle de Sieglinde dans Die Walküre de Wagner, sous la direction de Karajan. Elle se produit alors à Londres, Milan, Munich, Vienne, son port d'attache pendant 30 années, et retourne régulièrement à Bayreuth, dans les rôles de Sieglinde, Senta dans Le vaisseau fantôme ou Elsa dans Lohengrin et Elisabeth dans Tannhäuser, enfin Kundry dans Parsifal.  Elle débute aux Etats-Unis dès 1956 à San Francisco avec Senta, puis au Metropolitan de New York, en 1959, pour remplacer Maria Callas, initialement prévue, dans Macbeth de Verdi.  Elle s'y produit régulièrement dans les grands rôles verdiens (Aida, Donc Carlos, Otello, Nabucco, Un bal masqué).

Mais avant tout, Rysanek est l'incarnation de la soprano straussienne par excellence. Elle marque en effet de sa personnalité et de la splendeur de sa voix les plus grands de Richard Strauss, à commencer par l'Impératrice dans La femme sans ombre, ainsi que Salomé, la Maréchale dans Le chevalier à la rose, Ariane dans Ariane à Naxos, et les trois rôles féminins dans Elektra. Dans ce dernier opéra, elle a été longtemps la grande Chrysotémis, la sœur d'Elektra, des années 1950 à 1970. Puis elle aborde, à la demande insistante de Karl Böhm, pour un opéra filmé, par Götz Friedrich, le rôle d'Elektra. Ensuite elle sera la mère, Clytemnestre, mémorable, incarnant un personnage décadent mais qui tente de conserver une apparence noble. Son interprétation de ce rôle aux Chorégies d'Orange, face à Gwyneth Jones, comme à Genève, au milieu des années 1990, est un des grands moments de l'histoire de l'opéra du 20e siècle.

Elle a conduit une carrière d'une grande longévité, grâce à la prudence de ses choix, refusant Elektra sur scène, tout comme Isolde dans Tristan et Isolde de Wagner, ou Brünnhilde, dans la Tétralogie de Wagner.

Sur la fin de son immense carrière, elle se tourne vers Klytemnestre donc, Ortrud dans Lohengrin de Wagner, Kostelnicka dans Jenufa de Janacek, ou encore Hérodias dans Salomé, rôle dans lequel elle fait une tournée d'adieux en 1996. Elle décède d'un cancer en 1998.

Rysanek indiquait ne pas aimer les enregistrements studios, hormis son récital d'air d'opéras italiens effectué à Turin en 1958 (pour RCA). Si on pourra se tourner vers un certain nombre de témoignages live, il faut néanmoins l'entendre dans La femme sans ombre sous la direction de Karl Böhm, enregistré en studio en 1957 pour Decca. Il s'agit de l'un de ses plus grands rôles et elle y est à son sommet, avec une voix d'une beauté exceptionnelle.

Les live sont assez nombreux et on pourra écouter en priorité sa Sieglinde à Bayreuth en 1966, dirigé par Böhm, son Elsa en 1958 à Bayreuth, dirigé par A.Cluytens, sa Salomé à Vienne en 1971, ou encore son Amelia dans Un bal masqué de Verdi en 1962 à New York, dirigé par N.Santi. Et puis il faut entendre sa Kundry et son Ortrud, qu'on peut entendre à Vienne respectivement en 1979 et 1985, dans des live plus rares. Enfin, pour apprécier ses qualités d'actrice, il faut la voir dans Elektra, filmé en 1981 par Götz Friedrich. Son incarnation délirante est absolument époustouflante.

Leonie Rysanek aura été un monstre sacré de l'opéra mais pas une diva, une immense artiste, d'une longévité exceptionnelle, marquant avant tout à jamais les grands rôles des œuvres de Richard Strauss et Richard Wagner.

 

 

Renata Scotto

Soprano italienne (24.02.1934 - 16.08.2023)

Enfant, elle chante dans une chorale mais c'est parce que son oncle, mélomane amateur, l'emmène à l'âge de douze ans écouter Tito Gobbi dans Rigoletto de Verdi à l'opéra qu'elle se prend de passion pour l'art lyrique et qu'elle décide de devenir cantatrice. Elle part avec sa famille à Milan en 1948 pour passer une audition, pour laquelle elle choisit un air de mezzo dans Le Trouvère de Verdi. Deux ans plus tard, elle prend des cours de chant à Milan, finissant par se révéler comme soprano. En 1952, elle remporte un concours de chant qui lui offre la possibilité de choisir le rôle dans lequel elle pourrait se produire l'année suivante. Elle choisit le rôle Violetta dans La Traviata de Verdi et se produit bénévolement à l'opéra de Savone fin 1952, pour se préparer à cette prise de rôle à Milan, comme elle l'avait choisi à l'issue du concours qu'elle venait donc de remporter. Et dès 1953, outre Violetta, elle aborde Madame Butterfly de Puccini, préparée pour cette prise de rôle par Mafalda Favero, grande soprano italienne des années 1930. Mais, mal préparée pour ces rôles difficiles, elle rencontre rapidement des difficultés vocales et, sur les conseils d'Alfredo Kraus, elle reprend l'apprentissage du chant auprès d'une professeure espagnole. Elle retrouve alors une agilité sur l'ensemble de la tessiture et dans les aigus. Elle reprend sa carrière autour du répertoire bel canto, pendant une dizaine d'années, et acquiert en 1957 la célébrité, en remplaçant Maria Callas au festival d'Edimbourg dans La Somnambule de Bellini. Elle va ensuite aborder de nouveau Puccini et Verdi et devient l'une des plus grandes interprètes du répertoire italien jusque dans les années 1980, sur toutes les grandes scènes d'opéra à travers le monde. Elle se retire définitivement en 2002, se consacrant alors à la mise en scène et au cours de chant, après avoir chanté une centaine de rôles différents au cours de sa très riche carrière.

Malgré un timbre légèrement metallique dans l'aigu, sa voix est saisissante, par l'agilité, la maîtrise du souffle et par une conduite de la ligne vocale exemplaire. Mais par-dessus tout, c'est l'intensité de ses incarnations, faisant passer par sa voix comme par ses dons d'actrice une palette de sentiments et d'émotion infinis, qui en ont fait une immense chanteuse.  

De multiples témoignages audio et video, en studio comme en live, permettent d'apprécier pleinement cette interprète. Et chaque enregistrement mérite d'être entendu. Mais, hormis son enregistrement studio de La Traviata sous la direction de Riccardo Muti, on l'écoutera en priorité dans Madame Butterfly (avec deux enregistrements studios), dans une magnifique Tosca, en live dans L'elixir d'amour (en 1960 avec Giuseppe Di Stefano à Bergame) ainsi que son récital enregistré en 1974 aux Etats-Unis (CBS réédité chez Sony). Et puis, en vidéo, on pourra commencer par Manon Lescaut de Puccini, aux côtés de Placido Domingo, ainsi que Desdemona dans Otello de Verdi, aux côtés de Jon Vickers, deux opéras filmés au Metropolitan Opera de New York.

Dans tous ces témoignages, on est totalement subjugué par le charisme de la chanteuse, l'une des artistes lyriques les plus accomplies de tout le 20e siècle.

 

 

Elisabeth Schwarzkopf

Soprano naturalisée anglaise, d'origine allemande (9.12.1915 - 3.08.2006)

Elle etudie la  musique et le chant à la Hochscule de Berlin, notamment avec Lula Mysz-Geimner, qui l'aurait orienté vers la tessiture de mezzo, avant qu'elle ne soit réorientée vers celle de soprano colorature. Elle débute en 1938 dans un rôle de fille-fleur dans Parsifal de Richard Wagner à l'opéra de Berlin. Elle enchaîne quelques autres petits rôles puis Oscar dans Un bal masqué de Verdi ou Zerbinette dans Ariane à Naxos de Richard Strauss. La rencontre avec Maria Ivogün, grande soprano hongroise des années 1920, l'amène au début des années 1940 plus particulièrement à travailler le répertoire du Lied qui sera rapidement l'une des spécialités tout au long de sa carrière, mais aussi ce lui de l'opérette viennoise.

Sollicitée par Karl Böhm, elle rejoint la troupe de l'opéra de Vienne en 1944. Elle débute ensuite à Londres en 1947, La Scala de Milan en 1949, au festival de Salzbourg en 1949 et participe à la réouverture du festival de Bayreuth en 1951, dans le rôle d'Eva des Maîtres chanteurs de Nuremberg, sous la direction de Karajan. Sa carrière prendra une ampleur encore plus importante par les enregistrements qu'elle effectue au début des années 1950, sous la direction artistique de son influent mari, Walter Legge, pour le compte de la firme EMI. Elle entame sa carrière aux Etats-Unis à San Francisco en 1955 dans l'un de ses rôles emblématiques, La Maréchale dans Le chevalier à la rose de Richard Strauss. C'est avec ce rôle qu'elle fait ses adieux à la scène en 1971, se consacrant jusqu'en 1979 au seul Lied, avant de mettre définitivement fini à  sa carrière de chanteuse.

Un musée lui rend hommage à Hohenems, en Autriche, au sein d'un groupe muséal, Musées de Schubertiade, comprenant également un musée Walter  Legge, ouvert pendant des périodes de concert.

Schwarzkopf a abordé des rôles assez diversifiés au début de sa carrière, avant de restreindre son répertoire à l'opéra autour de quelques rôles mozartiens et straussiens. Elle est l'une des figures emblématiques du festival de Salzbourg entre 1949 et 1964, incarnant régulièrement Donna Elvira dans Don Giovanni ou La Comtesse dans Les Noces de Figaro, de Mozart. Elle devient ainsi une incarnation légendaire de la soprano mozartienne, légende qui n'a cessé de s'accroître au fil des décennies. Elle reste également une immense interprète de Lieder, avec quelques récitals et enregistrements restés également mythiques.

Pour apprécier la profondeur des ses incarnations, fondées sur une réflexion profonde sur les textes combiné à l'écriture musicale, on l'écoutera dans le célèbre enregistrement du Chevalier à la rose, sous la direction de Karajan pour EMI en 1956, mais aussi dans une mémorable soirée de Lieder d'Hugo Wolff réalisée à Salzbourg en 1953, avec le chef Wilhelm Furtwängler au piano, éditée par EMI (Warner actuellement). Ayant marqué le rôle de Donna Elvira, on pourra l'écouter en studio, dans l'enregistrement de Carlo Maria Giulini, ou en live, sous la direction de Furtwängler en 1954, prioritairement. Et puis elle a irradié de toute sa noblesse alliée à une grande souplesse de la ligne vocale ses interprétations d'opérettes viennoises, répertoire dans lequel elle témoignait d'ailleurs  d'un naturel, d'une spontanéité extraordinaires. Ses enregistrements des rôles d'Adele dans La chauve-souris de Johann Strauss ou d'Hanna Glawari dans La veuve joyeuse de Franz Lehar  sont mémorables. Elle  y trouve un équilibre entre sophistication et naturel viennois, bien qu'elle ne soit pas autrichienne, qui font de ces incarnations des références inégalées.

 

site internet : elisabethschwarzkopfmuseum

 

 

Irmgard Seefried

Soprano allemande (9.10.1919 - 24.11.1988)

Née en Bavière elle est initiée très tôt à la musique  par sa famille qui lui fait suivre des cours de violon et piano et l'inscrit, enfant, dans la chorale locale. Elle étudie le chant à Augsburg puis Munich et fait ses débuts à Aix la Chapelle, sous la direction de Karajan, dès 1940, dans le rôle de la prêtresse dans Aida de Verdi. Sa carrière prend vite un essor avec son incarnation d'Eva dans Les maîtres chanteurs de Nuremberg, sous la direction de Karl Böhm à Vienne et surtout lorsque le compositeur Richard Strauss la choisit , à l'occasion de représentations prévues pour ses 80 ans, pour incarner le rôle du Compositeur dans son opéra Ariane à Naxos en 1944. Elle sera encore le Compositeur, lorsque Karl Böhm, donne encore cet ouvrage à Salzbourg, en 1954, dix ans plus tard. Elle se produit sur les grandes scènes internationales, mais avant tout à l'Opéra de Vienne et très régulièrement au festival de Salzbourg dès 1946. Elle aborde au cours de sa carrière un répertoire relativement large, allant de Purcell à Poulenc et même des œuvres plus contemporaines comme Henze. 

Cependant elle reste d'abord célèbre pour ses incarnations mozartiennes dont elle effectue des enregistrements en studio restés historiques, en particulier Susanna dans Les Noces de Figaro et Pamina dans La flûte enchantée, sous la direction de Karajan, au début des années 1950. Elle aura également été une grande interprète de Lieder et, outre les nombreux concerts, en effectue plusieurs disques pour Deutsche Grammophon qui a réédité récemment son legs d'airs d'opéra et Lieder en 11 volumes . Elle met fin à sa carrière en 1976.

Outre un timbre radieux, son chant dégage un sentiment de fragilité et une émotion très spécifiques qui touchent immédiatement et définitivement l'auditeur.  Elle aura fait partie de cette célèbre troupe de l'opéra de Vienne des années 1950, aux côtés d'Anton Dermota, Elisabeth Grümmer, Erich Kunz ou encore Elisabeth Schwarzkopf, marquant un âge d'or du style viennois et du chant mozartien.

Parmi les nombreux témoignages discographiques, outre les intégrales enregistrées au début des années 1950 avec Karajan pour EMI (La flûte enchantée, Les Noces de Figaro, Ariane à Naxos) il faut absolument la découvrir dans quelques live où elle est vraiment renversante. ainsi dans La flûte enchantée, cette fois-ci en live à Salzbourg en 1950, sous la direction de Furtwängler, son incarnation de l'air de Pamina "Ach ich fühl's" atteint un sommet d'intensité et d'émotion. On pourra l'écouter dans l'un des rôles qu'elle aura également marqué à jamais, celui du Compositeur, en 1944 ou en 1954, sous la direction de Karl Böhm. Il faut aussi entendre son interprétation de Zerlina dans Don Giovanni, sous la direction de Furtwängler en live au festival de Salzbourg en 1950 ou sous la direction de Karl Böhm à Vienne en 1955, mais en allemand. Son incarnation donne au rôle un intérêt et une fragilité rare pour ce rôle. Enfin, elle incarne une superbe Eva dans Les maîtres chanteurs de Nuremberg à Vienne en 1955, sous la direction passionnante de Fritz Reiner, et notamment son introduction du quintette au 3e acte qui est l'une des plus sublimes de toute la discographie. 

 

 

Meta Seinemeyer

Soprano allemande (05.09.1895 - 19.08.1929)

Née à Berlin, elle étudie la musique dans cette ville, au Conservatoire Stern, importante école de musique et de chant fondée en 1850. Elle fait ses débuts sur scène, toujours à Berlin, dans un opéra d'Offenbach (Orphée aux enfers, La belle Hélène ou Orphée et Eurydice de Gluck, selon les sources), à la Deutsche Oper de Berlin (alors l'Opéra de Charlottenburg, la ville n'étant pas encore rattachée à Berlin). Elle restera membre de cet opéra jusqu'en 1924. Elle participe en 1923 à une tournée aux Etats-Unis, y incarnant plusieurs rôles wagnériens. Et puis elle débute à Dresde en 1924 dans le rôle de Marguerite (Faust de Gounod) où elle restera jusqu'à la fin de sa courte vie. Elle se produira également un peu partout dans le monde, comme à Londres ou Buenos Aires. Elle y incarne les grands rôles wagnériens tels Sieglinde, dans La Wulkyrie, Elisabeth dans Tannhäuser ou Eva dans Les maîtres chanteurs de Nuremberg. Mais elle apparaît également dans le répertoire italien, régulièrement aux côté sud ténor Tino Pattiera, ils enregistrent également plusieurs duos ensemble. Malheureusement, la chanteuse est atteinte par la leucémie et après une série de représentations à Dresde du Chevalier à la rose de R.Strauss, dans le rôle de la Maréchale, elle décède le 19 août 1929, à moins de 34 ans. Elle était mariée au chef d'orchestre Frieder Weissmann.

Un nombre d'enregistrement d'airs et de duos est suffisamment significatif, au regard de la disparition prématurée de la soprano et de l'époque, pour prendre la mesure de cette voix unique. Chaque enregistrement est historique et à connaître absolument, même si la restitution sonore des années 1920. est de moindre qualité. Elle disposait d'un des plus beaux timbres de soprano du 20e siècle et une voix d'une incroyable souplesse dans toute la tessiture, effectuant des nuances sublimes. L'écoute de ses enregistrements permet de sentir le charisme de la chanteuse et l'intensité de son chant.

En priorité on pourra commencer par trois extraits essentiels : l'air de La Force du destin (1927) qui fut l'un de ses grands rôles, l'air de Maddalena dans Andrea Chénier (dont elle assura la création allemande (1928) et enfin son duo du premier acte de la Walkyrie, avec le ténor Curt Taucher, dernier de ses enregistrements publié et où elle incarne une Sieglinde de légende (1929).

 

site internet www.seinemeyer.com

 

 

Teresa Stich-Randall

Soprano américaine (24.12.1927 - 17.07.2007)

Née dans le Connecticut, elle témoigne très tôt de grandes capacités pour la musique, apprenant le piano dès l'âge de 3 ans et entrant à 11 ans à la Hartford school of music. Elle est encore la plus jeun étudiante de la Columbia university et interprète son premier rôle à 19 ans. Mais surtout elle est auditionnée par Toscanini qui la retient pour chanter dans Aida en 1949, à 22 ans puis dans Falstaff. Il décèle en effet en elle une immense chanteuse à venir. Elle reporte ensuite les concours de Lausanne et de Genève, le chef italien lui conseillant d'entamer sa carrière en Europe plutôt qu'à New York, le Met souhaitant alors l'engager. Le chef Baumgartner qui siégeait dans le jury à Genève la fait venir au festival de Salzbourg en 1951, précédant le début de sa carrière viennoise l'année suivante. Elle devient l'un des membres de la troupe de l'opéra, lui permettant d'interpréter de nombreux rôles (dix-neuf), même si c'est dans Mozart qu'elle restera la plus célèbre, jusqu'en 1972.

Outre sa carrière à Vienne, elle va devenir l'un des piliers du festival d'Aix en Provence y incarnant ainsi ses grands rôles mozartiens, de 1953 à 1963. Elle se produit sur toutes les grandes scènes dans le  monde et met définitivement fin à sa carrière en 1980.

Elle fait Kammersängerin en 1962, première artiste américaine à recevoir ce titre prestigieux, puis reçut en 1969 la médaille d'ordre du mérite de la république autrichienne. Elle vécut et repose d'ailleurs aujourd'hui à Vienne, sa ville d'adoption.

Elle fut une artiste discrète et humble, malgré sa grande carrière et ses succès obtenus très jeune. Elle avait une voix d'une clarté et d'une limpidité exceptionnelles, avec peu de vibrato et disposait d'une technique exceptionnelle lui permettant des piani superbes dans l'aigu et lui conférant une grande agilité dans les vocalises. Son répertoire est très étendu, mais elle est  définitivement avant tout l'une des plus grandes mozartiennes du 20e siècle.

Elle a réalisé peu d'intégrales d'opéra, restées des références (Sophie dans Le Chevalier à la rose dirigé par Karajan ou Une vie pour le Tsar de Glinka dirigé par Markevitch). Mais pour prendre toute la mesure de son talent qui ne résume pas à ses aigues limpides, piano et aériens, il faut écouter son récital à Aix en Provence en 1956, accompagné par Hans Rosbaud au piano, et tout particulièrement le Lied "Abendempfindung" de Mozart par lequel débutait la soirée. Pris dans un tempo lent, elle apporte une émotion dans ce Lied qui met l'auditeur hors du temps et du monde. Les live de Cosi fan tutte et Don Giovanni à Aix en Provence sont également de grands témoignages de son art. Enfin, son enregistrement des Quatre derniers Lieder de R.Strauss, au sein d'une discographie pourtant pléthorique, est l'un des plus beaux et des plus émouvants.

 

 

Renata Tebaldi

Soprano italienne (01.02.1922 - 19.12.2004)

Après des études de chant à Parme et à Pesaro, elle débute en 1944 dans Elena du Mefistofele de Boïto à Rovigo. Elle se produit dans divers théâtres d'Italie comme à Parme ou  Trieste puis acquiert très vite la célébrité en participant au concert de réouverture de la Scala de Milan, sous la direction de Toscanini. Elle se produit alors régulièrement à Milan, mais également à Rome, Naples ou Florence dans ses grands rôles verdiens ainsi que dans Wagner (Lohengrin, Les maîtres chanteurs de Nuremberg) ou Puccini et même Mozart ou Bach (Passion selon St Matthieu). Après 1955, elle ne se produira plus à la Scala mais rejoindra la troupe du Met de New-York dont elle constitue l'une des grandes figures jusqu'en 1972, prenant une sorte de suite à Zinka Milanov. elle y triomphe dans tous ses grands rôles (Otello, Adriana Lecouvreur, Fanciulla del West, Gioconda, Aida ...). Et c'est au Met qu'elle chante avec Leonard Warren lorsque celui-ci décède d'une crise cardiaque en plein représentation, à l'issue de son grand air.

En 1973, elle se voit attribué le "Verdi d'oro" pour l'ensemble de sa carrière, largement consacrée aux opéras du compositeur italien. Son dernier rôle sur scène est encore verdien, Desdemona dans Otello, au Met en 1973. Elle fera ensuite des tournées de concerts pendant deux années. Puis elle fait ses adieux à la scène lors d'un concert donné à la Scala de Milan le 23 mai 1976, un concert en hommage aux victimes d'un tremblement de terre au Frioul.

Le mythe d'une rivalité avec Maria Callas a longtemps été entretenu par la presse et des admirateurs de chacune des artistes de l'époque. Elle ne repose en fait sur aucune réalité de la part des artistes elles-mêmes, mais cela traduit en revanche l'affrontement de deux esthétiques d'après-guerre très différentes, toutes deux d'égal intérêt artistique.

Un musée Tebaldi a été inauguré en 2014 à Busseto, ville natale de Verdi, proche de Parme (lien site internet ci-dessous), après l'ouverture d'un premier musée en 2010 déjà dans la région de Parme.

Il est souvent rappelé le fait que Toscanini appelait Tebaldi "la voix d'ange", comme on l'entend d'ailleurs rappelé par les spectateurs du San Carlo de Naples en 1958 lors de représentations de la Force du destin. C'est d'ailleurs l'un des grands live dans lesquels on mesure l'état de grâce dans lequel plongeait le chant de Renata Tebaldi. Sa voix était sans doute l'une des plus sublimes de toutes les sopranos du 20e siècle, d'une rondeur, d'une pureté et d'une transparence incroyables.

Outre le live de la Force du destin en 1958 aux côtés de Franco Corelli et Ettore Bastianini, et parmi ses nombreux enregistrements réalisés en studio pour Decca, on pourra privilégier en priorité ceux remontant aux années 1950, à son apogée vocale, avec Madame Butterfly, La Bohème et Aida aux côtés de Carlo Bergonzi, ainsi qu'Elisabetta dans un Don Carlo, plus tardif, dirigé par Solti, et qui demeure encore une référence aujourd'hui.

 

site internet museorenatatebaldi.it

 

Astrid Varnay

Soprano américaine, d'origine suédoise (25.04.1918 - 04.09.2006)

Elle naît à Stockholm de parents d'origine hongroise, tous deux chanteurs d'opéra. Ses parents décident de partir pour les Etats-Unis alors qu'elle n'a que deux ans. son père décède quatre ans plus tard, âgé d'à peine 35 ans. Sa mère lui apprend le chant, puis elle prend des cours auprès d'Hermann Weigert, alors chef d'orchestre allemand et chef de chant au Metropolitan Opera de New-York, qui venait de fuir le régime nazi. Ils se marient en 1944. Le lancement de la carrière de la soprano est dû au remplacement en 1941 de Lotte Lehmann dans la Walkyrie, dont il reste un témoignage audio saisissant. Puis sa carrière va prendre toute son ampleur, avec la réouverture du Festival de Bayreuth en 1951, dont est l'un des piliers. Là aussi, son incarnation de Brünnhilde, dans le Crépuscule des dieux, cette année de la réouverture du festival, publiée par Testament, la présente à son sommet vocal et dramaturgique. Elle est la soprano dramatique wagnérienne absolue des années 1950, enchaînant les rôles de Brünnhilde, Ortrud, Kundry et Isolde à travers le monde. Elle continue d'incarner ses grands rôles encore dans les années 1960 puis poursuit de longues années sa carrière dans des rôles de composition, dans une tessiture plus grave, tels Hérodias dans Salomé ou Clytemnestre dans Elektra de R.Strauss ou encore Kostelnica dans Jenufa de L.Janacek. Elle se retire définitivement de la scène en 1995.

Elle laisse de nombreux témoignages discographiques, mais essentiellement live, ainsi que quelques films d'opéra dont Salomé et Elektra dans lesquels ses incarnations d'Hérodias et Clytemnestre dont hallucinantes.

Pour saisir toute l'intensité de ses incarnations sur scène et l'ampleur de la voix, il faut écouter en priorité sa Brünnhilde à Bayreuth en 1953 ou 1955 et son Ortrud dans l'un des live, toujours à Bayreuth, entre 1954 et 1962. Son Elektra à Salzbourg en 1966, dirigée par Karajan, est également un autre témoignage exceptionnel. Même si ses aigus sont plus tendus, son incarnation est totalement sidérante et historique.