Carl Maria von Weber (1786 - 1826)

Der Freischütz

L'ouvrage est créé en 1821 à Berlin sur un livret du poète allemand Friedrich Kind. Il est inspiré du goût de l'époque pour le fantastique et par un sujet qui a valu d'autres opéras, tombés dans l'oubli, avant même celui de Weber. Il s'inscrit dans la tradition du Singspiel, avec une alternance entre airs et ensembles chantés avec du texte parlé, même si le compositeur en fait évoluer la forme, avec des grandes scènes musicales et une dimension dramatique nouvelle. L'opéra devient vite populaire tant dans les villes allemandes qu'en France ou en Grande-Bretagne. Il est rapidement considéré comme le premier opéra romantique allemand. Le succès de cette composition aura aussi pour effet de réduire le travail de Weber à cette seule œuvre emblématique, au détriment d'une création plus diversifiée, tant à l'opéra qu'en musique de chambre. L'efficacité et la richesse de la partition en font bien malgré tout l'un des opéras les plus inspirés du compositeur et une étape majeure dans l'histoire culturelle allemande.

La discographie comporte autour de 40 versions complètes en studio ou live publiées en disque. Heureusement, au sein de cette discographie finalement modeste au regard du succès de l’œuvre, plusieurs enregistrements apportent de superbes interprétations.

 

Elisabeth Grümmer, Rita Streich, Hans Hopf, Kurt Böhme

W.Furtwängler - Wiener Philharmoniker                        1954

Pour sa dernière année de participation au festival de Salzbourg, avant de disparaître quelques mois plus tard, Wilhelm Furtwängler dirige un Freischütz grandiose et renversant. Dès l'adagio de l'ouverture, dans un tempo très ample et des notes tendues, le ton puissant est donné. La suite de l'ouverture qui pose les thèmes musicaux de l'opéra, sont dans une veine tragique et inquiétante. Cette vision traverse toute l’œuvre, avec une scène de la Gorge aux loups terrifiante. La dimension champêtre des scènes avec les chasseurs et paysans ne perd pour autant pas toute bonhomie festive. La distribution est en parfaite adéquation avec la vision du chef. Hans Hopf en Max a de la vaillance et de la puissance. Kurt Böhme, déchaîné en Kaspar, est inquiétant et très théâtral. Rita Streich, pleine de charme, confère une certaine épaisseur à son personnage. Elisabeth Grümmer est une miraculeuse et insurpassable Agathe. Sa voix lumineuse, sa ligne de chant exemplaire traduisent toute la beauté du rôle et la pureté du personnage. 

Il s'agit dune bande radio live en juillet 1954. Si on entend bien les toux des spectateurs, on entend surtout une vie incroyable sur scène y compris lors de tous les dialogues parlés.

Un immense moment de musique et de théâtre.

 

       Gundula Janowitz, Edith Mathis, Peter Schreier, Theo Adam

       C.Kleiber - Staatskapelle  Dresden                                     1973

Depuis sa parution, l'enregistrement réalisé par Carlos Kleiber demeure une référence. Comme toujours avec cet immense chef, la partition est explorée de fond en comble pour en proposer une lecture captivante, enflammée, virtuose, colorée, en tension permanente. Le chef bénéficie en outre de la fabuleuse Staatskapelle de Dresde. Le célèbre chœur des chasseurs du 3e acte est un modèle de vivacité et de fougue jubilatoire. La distribution est vraiment dominée par la fabuleuse Gundula Janowitz dans le rôle d'Agathe. Sa grande scène du 2e acte et plus encore sa cavatine au 3e acte sont absolument sublimes. Elle délivre une très grande leçon de chant. On trouve également le somptueux Ermite de Franz Crass, d'une très grande noblesse, grâce à son style impeccable et la beauté de son timbre. La scène finale de l'opéra est ainsi un moment fort de cette version. Theo Adam dispose d'un timbre qu'on peut trouver un peu clair pour le rôle de Kaspar et Peter Schreier, en Max, ne bénéficie pas du timbre le plus séduisant. Mais ils chantent très bien leurs rôles et apparaissent finalement tout à fait convaincants. Edith Mathis en Annette et Bernd Weikl dans le rôle du prince complètent idéalement la distribution vocale. Les dialogues parlés ont été confiés à des acteurs, ce qui crée une certaine rupture dans l'écoute continue de l'opéra.

Cette version reste sans doute celle à écouter en premier, avec une belle distribution, un chef et un orchestre exceptionnels, ainsi qu'une très bonne prise de son.

 

       Polina Pasztircsak, Kateryna Kasper, Maximilian Schmitt,

       Dimitry Ivashenko

       R.Jacobs - Freiburger Barockorchester                              2021

L'enregistrement est particulièrement passionnant et constitue un apport vraiment significatif à la discographie de l'ouvrage. D'une part, René Jacobs a voulu proposer une solution au projet de prologue prévu mais sans que Weber n'en écrive la partition. Pour cela le chef utilise certaines parties de l'ouvrage ainsi que de la musique de Schubert. Et la proposition s'avère très convaincante, avec un Ermite qui prend ainsi une nouvelle place dans la dramaturgie. D'autre part, le chef a voulu restituer l'esprit du Singspiel. Et là aussi l'auditeur est emporté par ce sens du théâtre qui donne le sentiment d'assister à une représentation dans les années 182, d'être aux côté d'E.T.A Hoffmann lorsqu'il fit ses compte-rendus de la création en 1821. Le chef détaille ses choix esthétiques dans la notice très intéressante accompagnant le livret. Sur un plan strictement musical, l'interprétation est également enthousiasmante, malgré le choix de voix assez légères dans l'ensemble. C'est d'ailleurs davantage l'ensemble que chaque individualité qui fait la réussite de cet enregistrement. Les tempos sont vifs, l'orchestre joue sur de façon historiquement informée, avec effectifs réduit et instruments dits anciens. Il y a beaucoup de vie, de couleurs et de merveilleux dans cette version. La scène de la Gorge aux loups est , dans une approche totalement différente, aussi saisissante que chez Furtwängler, et malgré le fait que ce soit en studio.

Un enregistrement qui nous plonge avec vie et bonheur au théâtre musical romantique.

 

 Euryanthe

Ce cinquième et avant dernier opéra du compositeur a été créé à Vienne en 1823. Celui-ci rompt dans cette œuvre avec la forme singspiel pour recourir à un langage musical continu dans lequel s'insère les airs, duos et ensembles. Cette écriture qui dérouta ses contemporains constitue néanmoins une étape décisive dans la composition lyrique de l'époque et marque incontestablement Wagner dans ses opéras jusqu'à Lohengrin.

La discographie comprend une dizaine de versions plus ou moins complètes ou révisées, partiellement disponibles. Elle est assez aisément dominée par la version réalisée par Marek Janowski à Dresde. On écoutera bien sûr Wolfgang Windgassen et Gustav Neidlinger à Stuttgart en 1954 ou Inge Borkh la même année sous la direction de Giulini, mais plutôt comme des compléments d'écoute.

 

Jessye Norman, Nicolaï Gedda, Rita Hunter, Tom Krause, Siegfried Vogel

M.Janowski - Staatskapelle Dresden                            1974

Cette version présente une distribution homogène de haut niveau. Jessye Norman y déploie un chant exceptionnel pour le rôle principal. A ses côtés Nicolai Gedda, avec un timbre clair,  chante avec engagement, le chant est toujours soigné et il s'avère totalement convaincant. Dans le couple des deux "méchants", on bénéficie de Ria Hunter au timbre clair spécifique, idéale pour le rôle, ainsi que de Tom Krause, également parfait avec sa très belle voix sombre et chaude et un certain mordant dans le ton.

L'ensemble est conduit avec lyrisme par le chef, à la tête d'un orchestre exceptionnel.